C’est l’été dans le Vercors. Elisa a trouvé un job saisonnier dans une entreprise forestière. Elle a 17 ans, adore l’escalade, goûte la vie et les étreintes de son amoureux. Mais dans le même temps, sa mère vient de quitter le domicile. Elisa se trouve donc seule avec son père pour s’occuper de sa sœur Manon, un peu plus âgée qu’elle mais lourdement handicapée.
Dès le départ, Margaux Bonhomme nous fait pénétrer dans la famille, sans filtre, en plein dans le quotidien. D’ordinaire, à longueur de reportages, on nous présente des établissements, des écoles, des collectes de fonds, des téléthons. Jamais, comme ici, on ne s’immisce ainsi dans les tâches basiques, répétitives que sont le repas, le bain, le coucher. Jamais on ne touche d’aussi près l’énergie dont font preuve les proches, soutenus par l’amour, jusqu’à la fatigue, l’épuisement, jusqu’à jeter l’éponge parfois comme le fait la mère. Elisa et son père se relaient, s’épaulent, s’entraident mais aussi s’engueulent et même se font concurrence (Je sais m’occuper de Manon mieux que toi.) La réalisatrice n’occulte rien, passe en revue les diverses et violentes émotions qui traversent Elisa, surtout, mais aussi François, un roc en apparence mais qui ne tient qu’en mettant l’avenir à distance (On verra). Marche ou crève nous fait également sentir les moments drôles, tendres, intimes que ne peuvent comprendre que ceux qui les vivent. Les personnes handicapées inspirent le plus souvent une certaine forme de crainte voire le rejet.
Au cœur du film se pose la question : est-on coupable si l’on place son enfant/ sa sœur en établissement spécialisé ? Peut-on faire confiance à d’autres personnes pour s’occuper de nos proches ? La tension dramatique est poussée à son comble, on est donc au cinéma. Mais Margaux Bonhomme atteint son but. On se prend les questions en pleine poire, et un discours politiquement correct ne pourra plus jamais sonner juste après avoir vu le film. Au passage, on comprend aussi que notre société ne fait pas grand-chose pour « aider les aidants ». Les retards au boulot, l’acceptation dans les lieux publics sont évoqués intelligemment.
On note plus généralement une tendance de fond en ce moment. Après avoir osé aborder des sujets un peu tabous en utilisant longtemps l’alibi de la comédie, c’est le mode « cash » qui s’impose, avec une grande réussite. Margaux Bonhomme, sans jamais juger, nous fait comprendre que ce n’est pas maltraiter une personne que lui trouver l’environnement thérapeutique qui convient. Que si ce n’est pas parfait, au moins, les professionnels sur place « font ce qu’ils peuvent », même s’il y a des équipes de jour et des équipes de nuit.
L’idée est qu’on peut s’émanciper sans cesser d’aimer, et qu’il faut aussi vivre sa vie pour aider ses proches à vivre la leur. Pour finir, on peut souligner l’excellence de tous les acteurs, des rôles principaux aux moins visibles.
Françoise Poul
Titre : Marche ou crève
Réalisatrice : Margaux Bonhomme
Scénario : Margaux Bonhomme et Fanny Burdino
Genre : Drame
Compositeur : Pascal Humbert
Directeur de la photographie : Julien Roux
Chef monteur : Vincent Delorme
Chef décorateur : Damien Rondeau
Productrice : Caroline Bonmarchand
Sociétés de productions : Avenue B Productions, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma
Société de distribution : Nour Films
Lieux de tournage :
Drôme : Chamaloc, La Chapelle-en-Vercors, Peyrins, Romans-sur-Isère, Saint-Bonnet-de-Valclérieux, Saint-Laurent-en-Royans
Isère : Auberives-en-Royans, Pont-en-Royans, Presles
Dates de sortie : 5 décembre 2018
Distribution
Diane Rouxel : Élisa
Jeanne Cohendy : Manon
Cédric Kahn : François
Pablo Pauly : Sacha
Agathe Dronne : la mère
Clémentine Allain : Nora