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affiche Mademoiselle

Mademoiselle

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Un film de Park Chan-wook ,
Avec Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri, Jung-Woo Ha,

Genre : Drame psychologique
Durée : 2h25
Corée du Sud

En Bref

La jeune Sook-hee s’installe dans la grande maison perdue au cœur de la forêt où le comte Kouzuki, faux Japonais, recrée un univers entre l’Angleterre et le Japon. Ce faux Japonais d’origine coréenne aime les livres rares, il organise des lectures particulières où la voix de sa nièce Hideko envoûte l’assistance. C’est ensuite l’occasion de mettre en vente des livres et peintures de choix à l’ambiance des alcôves de l’orient et de l’occident quand les corps jouent la symphonie des amants et du vivant. La jeune servante est entièrement dévouée à sa maitresse prisonnière dans ce château d’un Barbe Bleue particulier. Les deux jeunes femmes ne tardent pas à découvrir une autre partie du monde et de la vie qui les lie comme les racines du cerisier à la terre. Hideko rêve de liberté, de découvrir le monde et de  briser les murs de sa prison.

Dans l’ombre, la jeune servante complote avec un autre faux comte japonais pour accaparer la fortune de la demoiselle. Le plan est presque parfait, la jeune Sook-hee vante les qualités de ce jeune prétendant qui fait sa cour. Tout marche à la perfection et bientôt les deux amants échappent aux mains du Comte Kouzuki et ses livres maudits. Il ne reste plus qu’à effectuer la dernière partie une fois au Japon. Prouver que la jeune comtesse est folle et la faire interner après avoir récupéré l’argent ramené de Corée. Les deux complices ne doutent pas que leur piège fonctionnera sans anicroche. Il existe juste ce petit rien qui grippe la machine et la pauvre Sook-hee pourrait en faire les frais. « Tel est pris qui croyait prendre » dit le dicton et mon dieu, comme il a raison.


Park Chan-wook adapte un texte du dix-neuvième siècle Fingersmith (Du bout des doigts - éditions 10-18) de l’auteure britannique Sarah Waters. Il transpose l’histoire originelle située en 1862 dans la Corée des années 1930, durant la colonisation japonaise. Il réalise un conte sensuel magnifique sans aucun défaut avec une saveur toute particulière et riche dans ses nombreuses thématiques. Comme d’habitude chez lui, les apparences sont souvent trompeuses et conduisent à des impasses ou rebondissements surprenants. Mademoiselle n’y fait pas défaut, tout n’est que tromperie et trompe-l’œil. Chaque chose, dans le pur esprit bouddhique, n’est pas ce que nous voyons. Le monde réel est différent de ce que notre esprit appréhende et voit. Le film s’appuie donc sur ce postulat pour nous égarer sans cesse, même quand nous pensons saisir la vérité ou la réalité. Chaque personnage joue des multiples facettes qui le composent pour nous perdre au cœur d’un labyrinthe où sommeille le Minotaure.

Ainsi il passe du regard de la jeune servante dans la première partie et d’un complot machiavélique à celui de Mademoiselle et un autre jeu des perversions de l’âme humaine. Sans jamais perdre le fil de son histoire, c’est bien du désir qu’il s’agit. Il l’examine sous tous ses aspects suivant le point de vue de chacun de ses personnages. Dans l’esprit des quatre nobles vérités du Bouddha, Hideko et Sook-hee effectuent le parcours qui conduit des désirs et de la souffrance à la libération et au Nirvana, l’extase. A l’inverse, les deux faux comtes se perdent dans la voie du désir de puissance, de pouvoir, d’argent et de nombreux autres sentiments pervers. C’est une route initiatique où les personnages acceptent enfin leur vraie nature. Et comme par hasard, ce sont les femmes. Elles gagnent l’éveil de leur conscience. Les deux comtes se perdent dans une nature qui n’est pas la leur, ni japonaise ni anglaise, le labyrinthe de la vie finit par les broyer. Le désir est aussi traité d’une autre façon, plus érotique, avec les écrits que collectionne et revend le comte. En effet il collectionne les textes érotiques d’orient et d’occident. Comme il gardait la mère d’Hideko prisonnière de son jeu malsain, il utilise la fille pour lire ces textes.

La pauvre Hideko ne peut fuir ce jeu pervers où, dans sa bouche, les corps prennent vie. Nous sommes loin du traitement judéo-chrétien, mais plus proche de l’esprit d’Extrême-Orient où le corps est un hymne à la vie et aucunement un tabou à masquer. Les scènes érotiques frôlant parfois le sadisme avec les textes de Sade et d’autres prennent une tout autre couleur sous la caméra de Park Chan-wook. Elles deviennent des chants du vivant où la beauté des corps valorise le vivant sur le nocif. Nous retrouvons les apparences trompeuses évoquées plus haut, Hideko faisant remarquer que la nouvelle servante est bien jolie. La première partie marque l’enfermement des esprits et des personnages dans cette bâtisse aux allures victoriennes. Il est vu du point de vue de la servante, elle aussi enfermée dans sa condition.

Il faut nous méfier de cette interprétation, car très vite nous nous apercevons que les choses bougent sous la forme du jeu. La maitresse joue à la servante et cette dernière prend sa place. Le jeu perd rapidement ses limites pour devenir une nouvelle réalité. Dans la seconde partie, après la fuite, le récit est vu du point de vue de la comtesse et l’espace paraît infini, navire voguant vers le Japon à l’horizon frôlant le soleil. Pour finir, nous aurions pu développer le regard sur l’histoire du pays toujours en filigrane chez le réalisateur. C’est un pays orphelin coupé en deux avec des personnages qui ne savent plus s’ils sont coréens ou japonais. Mademoiselle est un film à ne pas manquer, si riche que nous n’avons pas fini d’en parler.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
Support vidéo :
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Sous-titres :
Edition :


    •       Titre international : The Handmaiden

    •       Titre français : Mademoiselle

    •       Réalisation : Park Chan-wook

    •       Scénario : Jeong Seo-kyeong et Park Chan-wook, d'après le roman Du bout des doigts (Fingersmith) de Sarah Waters (2002)

    •       Direction artistique : Ryoo Seong-hee

    •       Costumes : Jo Sang-gyeong

    •       Photographie : Chung Chung-hoon

    •       Montage : Kim Jae-Bum et Kim Sang-beom

    •       Musique : Jo Yeong-wook

    •       Production : Lee Yong-seung et Park Chan-wook

    •       Sociétés de production : Moho Film ; Yong Film (coproduction)

    •       Sociétés de distribution : CJ Entertainment (Corée du Sud) ; The Jokers, BAC Films (France)

    •       Budget : 10 milliards wons, soit 8,7 millions dollars

    •       Pays d'origine :  Corée du Sud

    •       Langues originales : coréen et japonais

    •       Format : couleur

    •       Genre : thriller psychologico-érotique

    •       Durée : 144 minutes

    •       Dates de sortie : 2 novembre 2016 (nationale)

    ◦       Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement

Distribution

    •       Kim Min-hee : Hideko, la demoiselle

    •       Kim Tae-ri : Sook-hee, la servante

    •       Ha Jeong-woo : le comte

    •       Jo Jin-woong : Kouzuki, l'oncle

    •       Kim Hae-sook : la femme de M. Sasaki

    •       Lee Yong-nyeo : Bok-soon

    •       Yoo Min-chae : Kkeut-dan-i

    •       Lee Dong-hwi : M. Gu

    •       Rina Takagi : la mère de Hideko

    •       Han Ha-na : Junko

    •       Lee Kyu-jung : la bonne

    •       Moon So-ri : la tante