Madame Géquil a bien du mal à se faire entendre de ses élèves qui la chahutent sans restriction. Malik est peut-être celui qui s’amuse le plus de son incapacité à se faire obéir. Elle se démène pourtant pour transmettre sa matière dans ce lycée technologique. L’électricité ne fait pas des étincelles. Elle désespère un jour de pouvoir rentrer dans le top50 de ces professeurs aimés de leurs élèves, adulés pour la transmission des connaissances. Madame Géquil a de la misère avec ses gamins et elle rêve de tout autre chose que d’une carrière en prise… Elle est proche du cessez-le-feu, de jeter les gants sur le ring du désespoir quand un évènement va la transformer. Un éclair et la voilà lumineuse comme une ampoule de réverbère, remplie de compétences nouvelles. Madame Géquil trouve le lien entre elle et ces petites parcelles d’avenir, étonnant l’inspecteur par son talent nouveau. Elle prend le jeune Malik sous son aile et lui ouvre les portes de son atelier secret. Madame Géquil trouve la grâce, mais son double, Madame Hyde, laisse une trace plus sombre partout où elle passe. Cette histoire risque de mal finir. Entre le bien et le mal, qui gagnera la bataille de l’avenir ?
Serge Bozon adapte à sa façon L’Étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson. Après la police dans Tip Top, c’est l’enseignement et la transmission des connaissances qui l’intéresse. Madame Géquil n’arrive pas à transmettre son savoir pourtant riche et conséquent. Maladroite, elle est vite dépassée par sa classe qui prend le pouvoir sur elle. À l’extérieur, elle mène une vie tranquille avec son mari, homme au foyer. Serge Bozon s’amuse à renverser les rôles. Monsieur Jekyll est une femme, admirablement interprétée par Isabelle Huppert. Elle s’amuse beaucoup et nous avec, avec le rôle de cette professeure pleine de bonne volonté, mais un peu handicapée, comme son élève Malik. Le handicap est au cœur du récit. Comment se faire comprendre, respecter, aimer ?
Comment vivre avec un lourd handicap physique pour Malik ? La première partie est un chahut général d’une classe prenant le pouvoir et semant l’anarchie. Dans la seconde, madame Géquil se transforme la nuit en Madame Hyde, femme lumineuse qui ne laisse pas sans voix. Plus coriace, son double ne fait pas dans la dentelle avec les petites frappes de la cité. Le jour c’est une nouvelle Madame Géquil qui apparaît, plus pédagogique et plus inspirée pour transmettre son savoir. Serge Bozon nous dit qu’il suffit parfois de peu de choses pour basculer de l’un à l’autre. De la même manière, le mauvais élève change lui aussi et découvre dans le labo secret une nouvelle voie. Il finira par remercier Madame Géquil. Tout est dans le passage du professeur à l’élève qui, dans le meilleur des cas, donne le goût et l’amour de poursuivre les chemins de la connaissance. Le tout se fait dans un chaos organisé, le fantastique et le merveilleux se mêlant de la partie.
Dans un cinéma utilisant peu les effets spéciaux numériques, Serge Bozon préfère les bonnes vieilles méthodes d’autrefois. Cela donne une mise en scène particulière et parfois surprenante qui peut égarer certains spectateurs. Il pousse plus loin ce style frôlant le surréalisme et l’improbable qui perçait déjà dans ses films précédents. Romain Duris en principal original et José Garcia en homme au foyer vous étonneront dans un jeu à contre-emploi. Le tout donne une petite comédie décalée sur l’enseignement, ses petites misères et la satisfaction quand le travail est accompli.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Madame Hyde
Réalisation : Serge Bozon
Scénario : Serge Bozon et Axelle Ropert, d’après de l'œuvre de Robert Louis Stevenson
Montage : Serge Bozon
Photographie : Céline Bozon
Chef décoratrice : Laurie Colson
Costumes : Delphine Capossela
Cascades : Jérôme Gaspard et Alexandre Moreira
Musique : Benjamin Esdraffo
Producteur : Philippe Martin
Sociétés de production : Les Films Pelléas et Arte1
Directeur de production : Nicolas Leclère
Société de distribution : Haut et Court (France) et MK2 (Ventes internationales)
Pays d'origine : France
Langue : français
Genre : comédie, fantastique
Durée : 95 minutes
Budget : 4 640 000 euros2
Format : couleur - 1.66:1 - Arricam - 35 mm - Fujifilm - Leica
Son : Laurent Gabiot
Montage son : Renaud Guillaumin et Valene Leroy
Dates de sortie : 28 mars 2018
Distribution
Isabelle Huppert : Marie Géquil
Romain Duris : le proviseur
José Garcia : Pierre Géquil
Patricia Barzyk : la voisine
Guillaume Verdier : le stagiaire
Pierre Léon : l'inspecteur
Karole Rocher : la collègue
François Négret : le nouveau prof
Charlotte Very : la prof de français
Adda Senani : Malik
Roxane Arnal et Angèle Metzger : les déléguées de classe
Prix d’interprétation féminine pour Isabelle Huppert au 70e Festival international du film de Locarno 2017.