Gary et Alana se rencontrent à l’occasion de la photo de classe du lycée. Elle est assistante du photographe et lui, jeune lycéen. Gary est persuadé que cette jeune fille ayant l’âge de sa grande sœur est liée à sa destinée. C’est celle qu’il cherche pour partager sa vie. La jeune fille semble amusée par ce jeune homme, vedette de sitcom, plein de culot. Leurs destins se croisent à plusieurs reprises, scellant une relation particulière entre l’amitié et l’amour. Alana s’émancipe du poids d’une famille juive au cœur de ces années soixante-dix, avant le grand choc pétrolier. Elle se voudrait comédienne et aide un politicien à mener sa campagne. Elle soutient Gary dans sa carrière d’homme d’affaires comme associée particulière. Gary gère celle-ci avec talent, anticipant sur les matelas à eau, les flippers et autres possibilités du rêve américain. Dans ce pays, il est encore possible, comme du temps des pionniers, de partir de rien pour toucher les étoiles. C’est une course folle, dans l’esprit de Quand Harry rencontre Sally aux fragrances des années soixante-dix.
« J’ai rencontré celle que je vais épouser » Gary
Retour sur les terres de son enfance pour Paul Thomas Anderson après Boogie Nights (1997), Magnolia (1999), Inherent Vice (2014). Il revisite les années 70, un peu après Quentin Tarantino dans Once Upon a Time in Hollywood (2019), plus sombre. C’est une histoire d’amour simple, contrariée, comme Paul Thomas Anderson les aime. C’est une course aboutissant à la certitude d’avoir trouvé l’être aimé. D’où notre référence à Quand Harry rencontre Sally. Le public sait que ces deux-là finiront par se dire je t’aime. Comme le dit Paul Thomas Anderson dans une interview aux Cahiers du cinéma « l’histoire est conventionnelle ». Nous rajouterons, c’est le voyage qui ne l’est pas. La scène finale est une métaphore du voyage, une course folle vers l’être aimé. Gary est persuadé qu’Alana est celle qui comblera sa vie.
La jeune fille s’en amuse et reste sur une amitié profonde. Elle finira par aboutir à ce qu’elle savait déjà au fond de son cœur. Les années soixante-dix deviennent bien plus qu’un personnage, un décor, le regard sur une époque. La période est indissociable, comme toujours chez Paul Thomas Anderson, de l’histoire, à la fois décor, regard sur l’époque et personnage. Alana représente ce vent de révolte qui souffle sur la jeunesse. Elle ne se contente pas d’un destin tout tracé, mais de celui qu’elle se construit. Rebelle aux convenances de sa famille et de la société de l’époque, elle tâtonne. Entre son désir d’actrice, les projets de Gary et le soutien à un homme politique, elle inscrit sa destinée. Gary est plus modéré, plus dans le rêve américain. Il profite d’opportunités pour se lancer dans les affaires, du matelas à eau aux flippers et aux premières salles de jeux. Autour d’eux, une galerie de personnages pittoresques marque ce vent de folie de tous les possibles, portés par la fin des années précédentes.
Jack Holden, clin d’œil à William Holden, acteur au charme fou l’emporte sur sa moto. Alana tombe, comme si elle ne faisait pas partie de cette histoire. C’est Gary qui la relève. De la même manière, elle aide son ami à se sortir d’un mauvais pas avec Jon Peters, un agent allumé. Cela donne une belle séquence d’un camion en marche arrière en pleine pénurie d’essence. Comme si nos deux amoureux revenaient à ces années rebelles avant le crash pétrolier. Toutes ces histoires satellites, en apparence anodines, ne font que renforcer le thème principal de l’amour. Comme toujours, il finit par triompher de tous les obstacles.
Le titre du film est emprunté à une chaîne de magasin de disques vinyles. La bande-son, comme d’habitude, est un petit bijou, dans laquelle on trouve Nina Simone, David Bowie, The Doors, Sonny & cher, Chuck Berry, Donovan, Paul McCartney, Gordon Lightfoot et Taj Mahal. La partition principale est composée par Jonny Greenwood, complice de toujours. La musique des mots est importante, les dialogues sont un petit bijou de finesse et de profondeur. Le film doit beaucoup à ses jeunes interprètes, Cooper Hoffman, le fils de Philip Seymour Hoffman et Alana Haim, musicienne avec ses sœurs, dont Paul Thomas Anderson réalisa plusieurs de leurs clips. Les deux comédiens sont remarquables de justesse et de sincérité, sans jamais composer, tout en naturel, sans maquillage. Le film y gagne un ton particulier, grâce à son choix de tourner en 35 mm diffusés en 70. Une fois de plus, Paul Thomas Anderson a su conquérir notre cœur. On espère qu’il réussira son désir d’une comédie musicale avec Jonny Greenwood.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Licorice Pizza
Titre de travail : Soggy Bottom
Réalisation et scénario : Paul Thomas Anderson
Musique : Jonny Greenwood
Directrice artistique : Samantha Englender
Décors : Florencia Martin
Costumes : Mark Bridges
Photographie : Paul Thomas Anderson et Michael Bauman
Montage : Andy Jurgensen
Producteurs : Paul Thomas Anderson, Daniel Lupi, JoAnne Sellar et Adam Somner
Sociétés de production : Metro Goldwyn Mayer, Focus Features, Bron et Ghoulardi Film Company
Sociétés de distribution : United Artists Releasing (États-Unis), Universal Pictures International France (France)
Pays de production : Unis États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur — 35 mm (Kodak) — 2.35:1
Genre : comédie dramatique, récit initiatique
Durée : 133 minutes
Budget : 40 000 000 $ 2
Dates de sortie : 5 janvier 20223
Distribution
Alana Haim : Alana Kane
Cooper Hoffman : Gary Valentine
Sean Penn (VF : Emmanuel Karsen) : Jack Holden
Tom Waits : Rex Blau
Bradley Cooper (VF : Alexis Victor) : Jon Peters
Benny Safdie : Joel Wachs
Skyler Gisondo : Lance
Maya Rudolph
John C. Reilly : Herman Munster
Mary Elizabeth Ellis (VF : Anneliese Fromont) : Momma Anita
John Michael Higgins : Jerry Frick
Christine Ebersole : Lucille Dolittle
Harriet Sansom Harris : Mary Grady
Ryan Heffington : Steve
Nate Mann : Brian
Joseph Cross : Matthew
George DiCaprio : Mr. Jack