Le cœur des batailles bat la chamade et les hommes s’enterrent pour oublier la fureur des canons. Cette guerre éclair semble prendre son temps pour creuser le sillon et nourrir la Faucheuse. Derrière dans les champs, les femmes prennent la relève, creusent le sillon pour semer la graine et voir venir la moisson. Hortense espère le retour de ses fils et continue de prendre en main la destinée de la ferme. Solange, sa fille, la seconde. Son mari et ses frères sont partis là-bas pour repousser l’ennemi. Les saisons continuent leur valse sans se soucier de la fureur des hommes, des champs de boue. La terre engrosse la graine au printemps, la caresse en été et lui parle d’amour quand vient le temps des moissons. Les jours à l’arrière, supportés par le labeur des femmes, semblent ignorer qu’ailleurs la mort et le blé ne poussent plus. Hortense décide de prendre une jeune fille de l’Assistance, Francine, comme aide. La jeune femme pense avoir trouvé un foyer. Elle, l’enfant perdue, la voici aimée. Elle ne rechigne pas à la tâche et donne toute satisfaction à sa nouvelle famille qui lui propose un contrat à vie. L’arrivée du fils pour une permission, et les beaux yeux de Francine transforment l’espérance en un doux souvenir et une source amère. La lutte des classes n’est pas pour aujourd’hui.
« Coeur léger Coeur changeant Cœur lourd - Le temps de rêver est bien court - Que faut-il faire de mes jours -Que faut-il faire de mes nuits - Je n'avais amour ni demeure -Nulle part où je vive ou meure- Je passais comme la rumeur - Je m'endormais comme le bruit » Aragon
Xavier Beauvois s’éloigne du roman original Les Gardiennes d’Ernest Perochon. Instituteur et écrivain, il obtient le Prix Goncourt en 1921 pour le roman Nêne. Il meurt en 1942 d’une crise cardiaque alors qu’il était surveillé par la Gestapo. Le réalisateur nous propose une tranche de vie dans un cinéma-vérité surprenant. Il prend le temps de suivre le corps et le cœur de ces femmes remplaçant à la tâche les hommes partis. Il trace, à travers trois figures emblématiques, la difficulté de tenir la roue de la charrue pendant que souffle le canon et que les hommes s’occupent à la guerre. C’est d’abord Hortense, Nathalie Baye, qu’il retrouve après Le petit lieutenant. Elle est magnifique dans une figure de patronne de ferme tenant les rênes sans fléchir, masquant, au fond de son âme, la peine et la souffrance. Elle titube, vacille, se redresse et tient bon la barre comme le capitaine au cœur de la tempête.
Elle est prête à tout pour préserver l’intégrité du bien ancestral sans aucune concession à ce que ses sentiments pourraient lui dicter. Elle voit d’un mauvais œil la liaison entre la petite bonne de l’Assistance, Francine, et son fils cadet. Elle est à l’image de ces grands propriétaires, accrochés à la terre comme l’arbre au milieu du champ. Solange, sa fille, est à la frontière d’un temps que le bruit des canons efface et celui d’une révolution où les femmes ont un nouveau rôle à jouer. Elle s’émancipe et espère bien continuer de choisir sa vie, quitte à briser les traditions. Laura Smet confirme, avec ce rôle, qu’elle est une grande actrice qui n’a pas fini de nous surprendre. Ce qui ne nous étonne point. Depuis le début, elle fait des choix risqués, loin de la facilité, agrandissant son répertoire à chaque personnage. La surprise nous vient d’Iris Bry, libraire dans la vie, remarquée par un casting sauvage. Elle est la femme du vingtième siècle qui prend racine dans cette période, où elle remplace les hommes à l’arrière. Elle espérait trouver une famille, peut-être un mari, mais le monde n’est pas encore prêt à briser les conventions.
Xavier Beauvois prend le parti d’un cinéma-vérité, comme Stéphane Brizé. La caméra semble disparaître devant la vie. Le quotidien prend des allures de romance et de drame, comme ces deux mains annonçant l’amour et glissant sur la pierre. L’espace devient un personnage avec l’horizon infini où le soleil se pare des couleurs du temps qui passe. La peinture, sa lumière et ses couleurs, semblent inspirer le film, nous rappelant souvent les tableaux des grands maitres. Dans ce temps qui file comme la fileuse au rouet, Xavier Beauvois place le drame de la vie, les espérances, les bonheurs et la mort comme autant de pierres dans le champ freinant la charrue. Vous trouverez les romans de Pérochon aux éditions Marivole. Notre âme est prise dans le cœur de l’histoire. Les femmes frissonnent, pleurent les morts et rient aux joies des vivants. Comme pour Des hommes et des dieux Beauvois nous rappelle combien la vie est belle et reste un cadeau à soigner chaque jour.
« C’était un temps déraisonnable - On avait mis les morts à table - On faisait des châteaux de sable - On prenait les loups pour des chiens - Tout changeait de pôle et d'épaule - La pièce était-elle ou non drôle - Moi si j'y tenais mal mon rôle - C'était de n'y comprendre rien » Aragon, Est-ce ainsi que les hommes vivent.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Michel Legrand et la musique du film
Le casting de Gilbert
Comparaison Casting et scène finale
Scène Coupée
Titre original : Les Gardiennes
Réalisation et scénario : Xavier Beauvois et Frédérique Moreau d'après l'ouvrage Les Gardiennes d'Ernest Pérochon
Montage : Marie-Julie Maille
Décors :
Chef décorateur :
Costumes :
Casting : Karen Hottois
Directrice de la photographie : Caroline Champetier
Musique : Michel Legrand
Supervision musicale :
Direction artistique : Patrick Schmitt
Postproduction : Amazing Digital Studios
Productrice : Sylvie Pialat
Pays d'origine : Drapeau de la France France
Sociétés de production : Les films du Worso
Soutiens à la production :
Société de distribution :
Format : Couleur - 35 mm - 1,85:1
Genre : Drame
Durée :
Budget :
Format : couleur
Son : Dolby Digital
Dates de sortie : 6 décembre 2017
Distribution
Nathalie Baye : Hortense
Laura Smet : Solange
Olivier Rabourdin :
Mathilde Viseux :
Gilbert Bonneau :
Iris Bry :
Ophélie-Marion Debiais :
Yann Bean : John
Cyril Descours :