Camille aime le cirque. Sa mère Christine aime Notre Seigneur au point d’entrer dans une communauté d’entraide et de prière. C’est d’abord la quête d’une vie meilleure, d’un sens à lui donner. C’est ne plus laisser les ténèbres envahir votre cœur. Christine n’a plus goût à rien, le spleen s’installe dans son âme, l’entrainant peu à peu ailleurs. La découverte de cette communauté de prière menée par le Berger, un prêtre particulier, redonne de la saveur à sa vie. Peu à peu, de messe en messe, de réunions d’entraide en prières communes, la famille franchit les cercles qui les rapprochent du bon Berger. Christine et Frédéric, son mari, s’épanouissent, trouvent un nouveau sens à leur existence. Au début tout est merveilleux, prière, entraide, partage des règles de vie, parfois strictes. La communauté de la Colombe éblouit les parents de Camille qui ne voient pas la part d’ombre. Interdit le cirque, spectacle du diable, comme d’autres choses se révélant appartenir à l’œuvre du malin. Camille tente de survivre sans blesser ses parents, faisant bonne figure, multipliant les petites trahisons. À la fin, il existe un dernier pas qu’elle ne pourra pas faire, consciente d’entrer en enfer plus qu’au paradis.
Sarah Suco s’inspire de sa propre expérience pour construire un film sur la dérive sectaire. Elle suit le regard de cette jeune fille qui lui ressemble et reste encore réaliste face aux discours. Peu à peu, Camille, son héroïne, voit l’emprise de ce soi-disant homme de dieu sur l’esprit de ses parents. C’est d’abord une femme, une famille en détresse, en quête d’un monde meilleur. L’ouverture se fait sur un exercice de spectacle de clown en équilibre. C’est déjà la métaphore de ce qui suit, une vie en équilibre qui bascule. Peu à peu, elle déconstruit le système qui emprisonne l’esprit et le pousse à épouser l’utopie d’une quête ensorcelante. On ne saura rien du Berger ni de la communauté, juste l’essentiel, prière et entraide aux plus démunis. C’est le centre d’un bonheur partagé et voulu entre fidèles réunis par le même sens de l’existence. Contrairement à certaines communautés sectaires fermées, celle-ci est ouverte.
On rentre le soir le cœur léger dans son foyer car demain, de nouveau, on sera réuni. Peu à peu, cette âme en quête de lumière s’obscurcit devant le discours solide du Berger. Certaines pratiques appartiennent aux œuvres du diable, ce larron qui a bon dos. Ce sont des riens imperceptibles, entravant l’âme du pénitent. Le bonheur intense voile le reste, obscurcit la raison, masque la vérité. L’esprit n’entre pas en résistance mais en pénitence et s’abandonne. Cette dérive sectaire est la même pour toutes les promesses d’éveil au bonheur idéal. Elle s’incarne dans la lumière de Dieu, de Krishna, de la Lune, d’un bon Samaritain, etc. La force des Eblouis réside dans le regard de l’intérieur porté par Camille qui reste réaliste. De nombreux films et documentaires montrent le cheminement l’emprise, le détournement d’un message religieux, spirituel, utopique, au profit des choix du gourou de la secte. L’autre versant, celui de la victime, reste minoritaire. C’est celui que choisit la réalisatrice.
Comment la victime, la proie, finit par s’abandonner, prisonnière d’une éblouissante promesse de mieux être. Elle ne voit plus la réalité qui l’entraine à devenir l’esclave d’une pensée, ne laissant plus de place à la réflexion. Le regard de Camille nous permet de suivre cette prison qui se tisse peu à peu autour des parents. Elle les rend aveugles jusqu’au choc final. Sensible au sujet, en quête perpétuelle, nous ne pouvons que vous conseiller Les éblouis. Il montre que la ligne est mince entre charlatan et éveilleur. Le premier pense à votre place pendant que le second vous invite à penser par vous-même. Camille Cottin dévoile une autre facette de son jeu d’actrice. La surprise vient de la jeune Céleste Brunnquell dans le rôle de Camille, exceptionnelle.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Les Éblouis
Titre international : The Dazzeld
Réalisation : Sarah Suco
Scénario : Sarah Suco et Nicolas Silhol
Photographie : Yves Angelo
Montage : Catherine Schwartz
Musique : Laurent Perez del Mar
Son : Cyril Moisson, Guillaume d'Ham, Hervé Buirette
Casting : Elsa Pharaon et David Bertrand
Décors : Manu de Chauvigny
Costumes : Nathalie Raoul
Producteur : Dominique Besnehard, Michel Feller et Antoine Le Carpentier
Sociétés de production : Mon Voisin Productions et Épithète Films, co-produit par France 3 Cinéma
Société de distribution : Pyramide Distribution (France), K-Films Amérique (Québec), Agora Films Suisse (Suisse)
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleur - 2,35:1
Genre : drame
Durée : 99 minutes
Dates de sortie : 20 novembre 2019
Distribution
Camille Cottin : Christine Lourmel
Jean-Pierre Darroussin : le berger
Éric Caravaca : Frédéric Lourmel
Céleste Brunnquell : Camille Lourmel
Laurence Roy : Mamie
Daniel Martin : Papi
Spencer Bogaert : Boris
Benjamin Gauthier : Jean-Marie
Suzanne de Baecque : Marie-Laeticia
Armand Rayaume : Matthieu Lourmel
Jules Dhios Francisco : Benjamin Lourmel
Eva Ristorcelli : Eva Lourmel
Récompenses
Prix « Cinéma 2019 » de la Fondation Barrière
Prix « Célestine 2019 » du festival du film français d'Helvétie
Prix du meilleur film lors de la 17e édition du festival Alice nella città (it) de Rome