« Si l’un d’entre nous y arrive, nous y arrivons tous. »
Nous sommes en Indochine, le 9 mars 1945 dans un poste médical oublié de la Légion étrangère. C'est dans ce bout du monde que sont recueillis les paumés en tous genres, alcooliques, blessés de l'âme et du corps. L'arrivée des Japonais pousse cette section perdue à s'enfoncer dans la jungle, pour les plus valides afin d'échapper à la mort et rejoindre l'armée française. Ils abandonnent les blessés qui n'espèrent pas grand-chose de l'ennemi. Peu à peu, la marche se transforme en un voyage en enfer. Plus que l'ennemi qui suit leur trace, c'est la jungle qui ne pardonne pas. Bientôt, la noblesse des cœurs s'efface devant la survie et le chacun pour soi. Ils devront plonger au fond de leur âme pour qu'ils restent les derniers hommes. Ils devront éviter de sombrer dans la noirceur de l'humanité pour ne plus être que l'oubli et le néant.
« On est juste des hommes paumés dans la jungle. Il n'y a plus de règle, plus de chef. » Lemiotte.Après Loin des hommes, Frères ennemis, David Oelhoffen continue d'explorer l'âme humaine avec des thèmes récurrents comme la nature et le regard que nous portons sur l'autre. Cette colonne d'hommes venus de toute l'Europe pour se battre pour la France et une idée de la liberté devra se dépasser pour survivre. C'est sur la base d'une histoire vraie que s'écrit le scénario. Ils sont polonais, espagnols, italiens, anarchistes, communistes, fascistes, un condensé de l'Europe et ses problématiques de reconstruction du monde après-guerre. Pour échapper à l'ennemi, ils s'enfoncent dans la forêt profonde, personnage plus que décor. La marche n'est pas une balade bucolique mais un chemin infernal pour échapper à la mort. L'eau devient une autre thématique, à la fois cette humidité constante, la pluie tombant sans cesse, la traversée des rivières dangereuses, les orages. C'est peut-être ce liquide des origines de toute vie. C'est aussi l'eau qui finira par les sauver. Les dialogues sont ramenés à l'essentiel, les mots deviennent rébellion, rage, douleur, espoir.
La mise en scène fait le choix de filmer le groupe avant tout. C'est une façon de nous montrer que c'est l'union, plus qu'ailleurs, qui fait la force. Nous sommes dans une fiction immersive, proche du documentaire dans sa volonté de toucher au réel. Dans ce tourbillon de folie apparait la notion forte du sacrifice pour une cause plus grande. Deux identités se détachent du groupe, l'ordre dans le chaos et l'individualisme. Il est important pour l'adjudant Janiçki, chef du groupe que l'ordre et l'honneur demeurent. C'est le dernier lien qui fait encore de nous des hommes. A l'inverse, Lemiotte se libère de toute contrainte pour un seul et unique but, sauver sa peau. Le film nous renvoie à Freud comme nous le dit David Oelhoffen dans notre interview. Freud dans Malaise dans la civilisation identifie trois sources de souffrance bien distinctes.
La première demeure facilement compréhensible, c'est celle de notre corps. La deuxième correspond au monde extérieur. Enfin la troisième, qu'il définit comme la plus douloureuse, est notre vie sociale. C'est ce que nous retrouvons dans le film, le corps et l'esprit fragiles, le mental déjà perturbé pour certains. La nature et les éléments ne sont plus des alliés. Il faut tailler, couper pour avancer. Enfin notre capacité à demeurer un groupe uni, capable de partager et faire face aux obstacles. C'est le dernier film produit par Jacques Perrin, marqué par son rôle dans La 317 section de Pierre Schoendoerffer. C'était pour lui peut-être une manière de boucler la boucle. Les Derniers Hommes, par ses problématiques, est un écho à nos sociétés actuelles, une métaphore d'un monde perdu, et qui courent peut-être à leur perte.
Patrick Van Langhenhoven
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Titre original : Les Derniers Hommes
Réalisation : David Oelhoffen
Scénario : David Oelhoffen, d'après le roman Les Chiens jaunes d'Alain Gandy
Musique : Superpoze
Décors : Pascal Le Guellec
Costumes : Anne-Sophie Gledhill
Photographie : Guillaume Deffontaines
Son : Guilhem Donzel, Thomas Desjonquères, Thomas Gauder, Olivier Dô Huu
Montage : Sandie Bompar
Production : Frédéric Bouté, Jacques Perrin, Nicolas Elghozi, Mathieu Simonet
Sociétés de production : Galatée Films, Allons Voir, Versus Production
Société de distribution : Tandem (France), O'Brothers distribution (Benelux)
Pays de production : France
Format : Couleurs - 2,39:1
Genre : drame, guerre, historique
Durée : 120 minutes
Dates de sortie : septembre 2023 (Festival du cinéma américain de Deauville 2023), 21 février 2024
Distribution Guido Caprino : "Lemiotte"
Andrzej Chyra : Adjudant Janiçki
Nuno Lopes : Caporal Lisboa dit "Lisbonne"
Axel Granberger : Karlson
Yann Goven : Trefeuil dit "Sorbonne"
Felix Meyer : Volmann dit "Poussin"
Teng Va : Tinh
Arnaud Churin : Aubrac
Antonio Lopez : Alvarez
Wim Willaert : Mathusalem
Francesco Casisa : Pepelucci dit "Musso"
Aurélien Caeyman : Stigmann
Maxence Perrin : Elsinger
Guillaume Verdier : Marly