Il est très difficile de tourner un film quand les images sont absentes. A fortiori s’il s’agit d’un documentaire. Voilà pourtant le pari qu’ont relevé Porte et Champeaux, en nous replongeant dans ce gouffre de l’histoire récente qu’on a longtemps tenté de passer sous silence. Les plus jeunes pensent à Mandela sous les traits de Morgan Freeman en vieillard malicieux devant la caméra de Clint Eastwood dans Invictus mais la tragédie qu’a vécu l’Afrique du Sud et qui laisse de nombreuses cicatrices mérite un traitement plus historique.
L’ouverture du film force l’attention. Ecran noir, enregistrement sonore du procès des membres dirigeants de l’ANC en 1963. Puis, pour combler les trous, les auteurs ont recours à l’image animée. Depuis Persepolis de Marjane Satrapi et Valse avec Bachir d’Ari Folman, le recours à cette forme d’images pour des sujets « sérieux » est passée avec succès dans les formes d’expression possibles. Les survivants sont interviewés, parfois leurs descendants, enfants à l’époque, racontent ce qu’ils ont vu ou compris. On sent la nécessité pour les temps à venir de conserver des archives de cette importance. Le sort de la cohabitation des Blancs et des Noirs au-delà de la période de l’apartheid en dépend.
Mandela s’exprime à la barre au nom de son groupe pour dire que le recours à des actions de sabotage était un geste ultime pour ceux qui jamais n’avaient la parole, jamais n’étaient entendus. Il dit aussi qu’il refuse un pays où les Blancs dominent les Noirs, mais qu’il refuse également un pays où les Noirs domineraient les Blancs.
Les accusés savent qu’ils seront condamnés. Ils se préparent à la peine de mort. Le régime n’osera pas aller jusque-là, les Nations Unies s’en mêlent. Mais dans le même temps, les actualités de l’époque font la réclame des plages de rêve sur lesquelles les touristes aisés viennent se prélasser de tous les coins du monde. Et pendant longtemps, on n’a guère évoqué le sujet dans les médias.
Le procès contre Mandela et les autres a des vertus pédagogiques, et est construit de façon à faire sentir la détermination et le courage de ces personnes qui ont pris tous les risques pour qu’une forme de justice sociale puisse essayer de se faire jour. Après la mort de Nelson Mandela, il semblerait que la tâche à accomplir soit encore immense.
Françoise Poul
Bonus:
Livret (32 pages)
Titre Original : Le procès contre Mandela et les autres
Réalisateurs : Nicolas Champeaux, Gilles Porte
Acteurs et actrices : Winnie Mandela
Rôle : Herself
Scénariste : Nicolas Champeaux, Gilles Porte
Dialoguiste : Nicolas Champeaux Gilles Porte
Compositeur : Aurélien Chouzenoux
Directeur de la photographie : Gilles Porte
Monteuse : Alexandra Strauss
Monteur : Gautier Isern
Ingénieur du son : Elisabeth Paquotte, Gautier Isern
Animateur : Oerd Van Cuijlenborg
Production : UFO Production, Rouge International
Distributeur France (Sortie en salle) : UFO Distribution