Un jeune homme fraichement diplômé revient chez ses parents à la campagne. Son ambition est de devenir un écrivain reconnu. Toutefois, en attendant, il doit passer le concours de professeur, histoire de sécuriser son avenir. De retour dans son village qu’il avait quitté depuis un moment pour étudier, il repasse sur les chemins de son enfance et retrouve sa famille, ses amis, le temps de mesurer le fossé qui s’est creusé entre eux et lui.
Nuri Bilge Ceylan commence à être connu du public pour l’ampleur de ses fresques et le souffle qui les habite. Cannes lui a rendu hommage à plusieurs reprises avec le Prix de la Mise en scène en 2008 pour Les trois singes, le Grand prix du festival en 2011 pour Il était une fois en Anatolie et enfin rien de moins que la Palme d’Or en 2014 pour Winter Sleep.
Ce qui frappe d’emblée, c’est que Sinan, le personnage principal, narrateur et porteur de tout le film n’a rien de particulièrement aimable. Il promène sa carcasse hésitante, mal à l’aise, ni tout à fait ici, ni encore là-bas. Quand tout le monde s’affaire, lui déambule, commente à voix haute ce qu’il voit et critique sans fin ce et ceux qui l’entourent.
Chaque rencontre donne l’occasion au réalisateur de dresser le tableau d’une Turquie loin d’Istanbul. Il n’hésite aucunement à gratter là où ça fait mal. Sinan revoit une belle jeune fille dont il a été amoureux. Celle-ci s’apprête à se marier avec un vieux barbon au porte-monnaie bien rempli. Il s’entretient au téléphone avec un de ses amis qui s’est engagé dans les forces anti-émeutes pour avoir un salaire. Nous découvrons à travers leur conversation comment les soldats sous pression finissent par passer leurs nerfs sur les manifestants sans chercher à savoir qui ils sont ni quelles causes ils défendent. Ce sont des gauchistes, voilà tout. Sinan trouve même le moyen de donner des leçons à un écrivain confirmé alors que lui n’est même pas au seuil d’une hypothétique carrière.
Dans tout ce décor sans concession, Ceylan nous amène au cœur du film, les relations intrafamiliales. Tout occupé à mépriser son père, idéaliste criblé de dettes qui passe pour un joyeux zozo aux yeux du voisinage, Sinan ne perçoit pas à quel point cet homme est un des rares qui n’a jamais cédé à la pression ni à la nécessité, et combien en définitive, il lui ressemble.
Le temps long du film permet au réalisateur d’élaborer un propos riche et nuancé. Il y a beaucoup d’humour teinté d’amertume, celui des gens dont les conditions de vie sont contraintes par la politique et la religion. Subtilement, Bilge Ceylan développe des points de vue originaux, complexes et bien trempés, qui donnent au Poirier sauvage un genre de suspense idéologique tout à fait savoureux.
F Poul
Titre original : Ahlat Ağacı
Titre français : Le Poirier sauvage
Réalisation : Nuri Bilge Ceylan
Scénario : Nuri Bilge Ceylan, Ebru Ceylan
Photographie : Gökhan Tiryaki
Montage : Nuri Bilge Ceylan
Musique : Mirza Tahirovic
Production : Zeynep Özbatur Atakan
Sociétés de production : Zeyno Film, Memento Films Production, Detail Film, RFF International, Sisters and Brother Mitevski, 2006 Produkcija Sarajevo, Film i Vast, Chimney Pot
Pays d'origine : Turquie
Langue originale : turc
Format : couleur
Genre : dramatique
Durée : 188 minutes (2 h 58)
Dates de sortie : France : mai 2018 (Festival de Cannes) 8 août 2018
Distribution
Serkan Keskin : Suleyman
Hazar Ergüçlü : Hatice
Ahmet Rifat Sungar : Ali Riza
Murat Cemcir : Idris
Tamer Levent : Recep, le grand-père
Öner Erkan :
Kadir Çermik : Adnan
Bennu Yildirimlar : Asuman
Ercüment Balakoglu : Ramazan, le grand-père
Özay Fecht : Hayriye, la grand-mère
Dogu Demirkol : Sinan
Asena Keskinci : Yasemin Karasu
Kubilay Tunçer : Ilhami
Sencar Sagdic : Nevzat