Tout commence dans les champs de coton par la folie de la mère et la mort du père de Cecil Gaines. Il ne reste que la fuite pour embrasser une nouvelle destinée. C’est un vieil homme qui lui apprend par l’éducation à devenir plus grand que la misère. Il se retrouve un beau jour aux portes de la Maison Blanche pour entrer au service de sept présidents. Il voit défiler entre autres, John Kennedy, Nixon, Johnson, Ford, Carter, Reagan. Cecil peut enfin savourer les joies de la vie ordinaire, épouser Gloria, avoir un fils et imaginer l’avenir. Hélas, la tempête gronde. Les relations entre son fils, impliqué sur plusieurs années dans les mouvements des Droits civiques, de la non-violence à Martin Luther King en passant par les Black Panthers, creusent un fossé entre les deux hommes. Après la tempête vient le beau temps, ils se réconcilieront et assisteront à l’élection d’Obama.
À travers Cecil Gaines, majordome de la Maison Blanche sous plusieurs présidents, Lee Daniels, dans un film plus proche du cinéma indépendant et de Precious, brosse le portrait de l’histoire de l’émancipation et des droits civiques du peuple afro-américain. Forest Whitaker donne toute la force et la profondeur d’un homme venu des portes de l’enfer pour entrer dans la lumière. Oprah Winfrey lui oppose une femme blessée, avec un mari plus préoccupé par le service que par son fils. Nous retrouvons la thématique chère à Lee Daniels, l’ascension par le savoir, comme pour Precious. En seconde partie, nous pourrions retenir que la non-violence est plus forte que les armes.
Pour aboutir à ce constat, l’histoire emprunte deux voies parallèles, celle de Cécil Gaines le majordome, et de son fils Louis, militant contre la ségrégation. C’est donc une histoire de la condition des Afro-Américains des années 1920 jusqu'à l’élection d’Obama. Pour ce faire, les scénaristes trouvent une matière de prédilection avec l’histoire d'Eugene Allen, 89 ans. Il sert huit présidents des années 50 jusqu'aux années 80. La petite histoire trouve un écho à une partie de la grande histoire. Plus que le regard sur les faits marquants de ces sept présidents, d’Eisenhower à Reagan, Lee Daniels s’attarde à tracer la longue quête de l’émancipation du peuple noir américain. Le début du film peut donc être vu comme un prologue où le jeune Cecil se retrouve confronté à la fin de l’esclavage dans les années 1920. La fin de la guerre de Sécession ne marque pas forcément la fin de la condition des Afro-Américains. Le père du jeune Cecil est peut-être libre dans les faits, mais le patron de la plantation a toujours droit de vie et de mort sur sa famille.
C’est ainsi en métaphore à la condition d’un peuple libre, mais encore dans les chaines comme le dirait Rousseau. Il assiste impuissant au viol de sa mère et au meurtre de son père. Il gagne un changement de sa condition de cueilleur de coton à serveur au sein de la grande Maison. Un jour dans la tradition de la quête, devenu adulte, la douairière le libère avec pour tout bagage, un livre. Nous retrouvons la grande thématique chère à Lee Daniels, le savoir comme moyen d’émancipation à sa condition. Le personnage apparaît comme marqué par la douleur, sans le désir de vengeance, de haine, certains verront un homme servile. En croisant la route d’un mentor, il devient maitre d’hôtel et majordome à la Maison Blanche par la seule capacité et qualité de son travail. Dans la symbolique il peut aussi représenter le peuple afro-américain obéissant qui ne se révolte pas. Nous comprenons, quand arrive le fils et les premiers pas du combat pour la libération, pour la reconnaissance du peuple noir américain, que père et fils finiront par s’opposer.
C’est avant le refus de Rosa Parks de laisser sa place dans le bus et le boycott des bus de Montgomery dirigé par Martin Luther King que commence la lutte menée par Louis. Déjà des jeunes étudiants utilisent la non-violence contre la ségrégation. Lee Daniels illustre cet instant dans une scène-choc où ils s’installent dans un café et refusent d’en sortir. Elle a valeur de choc et résume à elle seule tout ce que subissent les Afro-Américains de l’époque.
Le personnage de Louis passe de la non-violence à un mouvement plus dur et bien décidé à ne pas se laisser faire, le Black Panthers Party. Nous suivons l’évolution de celui-ci, jusqu'à son effondrement. Louis rejoindra les rangs de Martin Luther King, comme au début, jusqu'à son assassinat.
Dans la dernière partie, nous basculons dans la lutte à travers la politique, les Afro-Américains peuvent enfin prétendre à des postes de sénateurs, députés, etc. C’est donc à travers la politique qu’ils déplacent le combat. Il amènera Obama à la présidence. Revenons au personnage incarné par Forest Whitaker, il pourrait apparaître comme un serviteur docile, apolitique, subissant la volonté des Blancs. Lee Daniels, dans une très belle séquence avec Martin Luther King, rétablit la réalité de ces serviteurs, en résumé, ils sont les combattants les plus forts. Nous comprenons le point de vue, ils doivent subir, souffrir sans rien dire. Ils s’inscrivent dans la lignée de la marche du sel en Inde, et des principes de la non-violence établie par Gandhi. À la fin, le père et le fils finiront par se comprendre et se réconcilier pour ensemble mener le combat qu’il reste à faire.
Le majordome nous propose un voyage dans cette lutte sous tous ses aspects, à travers tous ses personnages y compris le rôle des femmes. Grâce au Majordome nous comprenons mieux toute la difficulté que fut la lutte pour aboutir à la reconnaissance d’hommes et de femmes, enfin égaux dans les consciences et la loi.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus
Uniquement en BR
Interviews de Lee Daniels et Forest Whitaker au Festival de Deauville (6' - VOST)
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Casting : Forest Whitaker (V. F. : Emmanuel Jacomy) : Cecil Gaines
Fiche technique
· Titre original complet : Lee Daniels' The Butler
· Titre français : Le Majordome
· Réalisation : Lee Daniels
· Scénario : Lee Daniels et Danny Strong, d'après l'article A Butler Well Served by This Election de Wil Haygood
· Direction artistique : Tim Galvin
· Décors : Jason Baldwin Stewart
· Costumes : Ruth E. Carter
· Photographie : Andrew Dunn
· Montage : Joe Klotz
· Musique : Rodrigo Leão
· Production : Lee Daniels, Cassian Elwes, Buddy Patrick, Pamela Oas Williams et Laura Ziskin
· Sociétés de production : Laura Ziskin Productions et Windy Hill Pictures
· Sociétés de distribution : The Weinstein Company (États-Unis), Metropolitan Filmexport (France)
· Budget : 30 millions de dollars
· Pays d’origine : États-Unis
· Langue originale : anglais
· Format : couleur - 2.35 : 1 - Son Dolby numérique - 35 mm
· Genre : drame
· Durée : 132 minutes
Source fiche technique Wikepédia