Le collier rouge
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En Bref
C’est la guerre, la sale, celle de 14 avec son front de misère. On s’enterre dans la boue avec pour réveil le chant des canons et pour sommeil le bruit des fusils. C’est l’histoire d’un homme et d’un chien, qui ne voulaient plus nier l’évidence. Derrière l’honneur et la patrie se cachaient les profiteurs de tout acabit. Le soldat Morlac, un paysan peu instruit, refuse le mensonge et les honneurs. Au nom de ses camarades morts sur le front d’Orient et d’ailleurs pas si planqués, ces poilus du bout du monde. On crevait sous la mitraille ici comme ailleurs, n’espérant plus de jour meilleur.
Le commandant chargé de le juger remonte le fil d’un récit qui ressemble à toutes les douleurs de cette sale guerre. Sur le champ de bataille, le chien et les hommes affrontent le même malheur, le même ennemi. Il finit dans cette embrouille des ordres et contre ordres par devenir un soldat comme un autre. Le chien n’a plus que son instinct et le soldat un fond de raison. C’est le 14 juillet 1919 que Morlac refuse les honneurs et dénonce la vérité sur cette drôle de guerre. Ce n’est pas bien de haranguer les parangons et bons bourgeois de la patrie. On finit en cabane, même si le canon ne crie plus sa hargne. Quel verdict sera celui du gendarme, le pardon ou la pendaison ?
C’est l’histoire d’une vie simple à la campagne quand deux cœurs s’élancent pour se noyer dans le bleu du ciel. On apprend la vie au cœur de la terre, creuser le sillon et s’aimer dans la lumière sous l’aile des papillons. On apprend à se cultiver en lisant Les trois mousquetaires, Les souffrances du jeune Werther, de Goethe et d’autres récits. C’est un petit bonheur fracassé sur les tranchées loin des champs de blé. C’est Valentine pleurant sur l’absence du mari aimé. On parle de fraternisation avec la montée de l’Internationale communiste. Les petits gars des campagnes d’ici et d’ailleurs s’unissent dans un même élan, renvoyant à la poussière les profiteurs de tout bord. Pour le chien, l’ennemi n’a pas changé et il déclenche l’offensive menant à la victoire. Il n’est plus de fraternité mais l’urgence est de reprendre les armes et de se noyer dans les tranchées.
Le chien obéit à sa nature, l’homme à la raison, ce qui nous distingue des bêtes, c’est l’orgueil. Nous retrouvons dans cette histoire l’ombre de Jean- Jacques Rousseau, de Thoreau, le sens, le chant de la nature. « L’homme est naturellement bon et c’est la société qui le déprave » Jean-Jacques Rousseau. En un mot c’est bien cette guerre et d’autres qui révèlent notre nature sombre ou lumineuse. Jean Becker dans ce nouvel opus reprend les idées rousseauistes qui sont le cœur de sa filmographie. Nous retrouvons la nature et l’homme en harmonie, le cœur de la femme, la littérature et les grands auteurs comme éveil à la culture et à embrasser le monde. C’est Les enfants du marais, Dialogues avec mon jardinier, L’été meurtrier, La tête en friche, nous rappelant que l’homme n’est qu’un rien dans le grand tout. C’est le deuxième film avec la guerre au cœur du récit comme pour Effroyable Jardins. Nous retrouvons cette idée des apparences trompeuses, ce que nous voyons n’est pas toujours la réalité. Morlac voit un homme sortir et se croit cocu, la vérité apparaît tout autrement.
Da la même manière, il aborde une autre de ses thématiques préférées, l’innocence chez le coupable et la culpabilité chez l’innocent. La mise en scène est à l’image du récit, centrée sur la nature et l’homme en son sein, plus que sur les scènes de violence d’une guerre déraisonnable. François Cluzet campe un gendarme rousseauiste, peut-être le double de Jean Becker. Nicolas Duvauchelle, Sophie Verbeeck trouvent un rôle qui leur permet de dévoiler toute la profondeur de l’âme humaine et du cœur de l’amour. Jean Becker ajoute une nouvelle page au grand livre humaniste qu’il écrit avec ses films depuis le début.
Patrick Van Langhenhoven
