Neila, petite fille de banlieue, se prépare à intégrer l’université d’Assas où elle se destine au métier d’avocate. Dès le premier jour, avec les nombreux transports, elle arrive comme une petite fleur de province en plein cours. Pierre Mazard, professeur brillant, ne manque pas de remarquer cette demoiselle venue d’ailleurs. On ne peut pas dire que le premier contact soit des plus charmant, au contraire il frôle le racisme et les stéréotypes. Ce n’est pas son premier dérapage ni sa première provocation. Il est plutôt réputé pour être un sale type, vachard, à la phrase cynique. Cette fois c’est celle de trop et le Président lui impose d’accompagner Neila au concours d’éloquence pour redorer son blason. Est-ce la pression, une élève capable de grandes choses qui pousse notre cynique à accepter le pari ? C’est d’abord le choc de la rencontre avec une jeune Française issue de l’immigration au franc parler, qui ne se laisse pas faire. C’est un professeur aux méthodes en apparence racistes et réactionnaires. Les deux finiront par comprendre que les apparences sont parfois trompeuses et que la vérité cache bien souvent une autre réalité.
Après Ils sont partout petite variation autour de l’antisémitisme, Yvan Attal continue de dénoncer la discrimination en tout genre avec Brio. Il s’amuse des apparences pour nous livrer deux personnages aux antipodes qui finiront par se comprendre et s’accepter. Derrière le professeur aux propos racistes et limite se cache un homme solitaire et perdu. Il fait du cynisme, dans le sens du philosophe Diogène et son tonneau, sa carapace pour se protéger du monde. Comme Diogène, il s’ingénie à renverser les interdits, les tabous. Il nous renvoie à nos propres stéréotypes, nos images et aux constructions que la société nous impose pour mieux nous bousculer. C’est dans cet esprit qu’il forme la jeune Neila, la poussant à tomber le masque et affronter le monde à travers l’art du langage, de la rhétorique. Il s’agit bien du verbe dans tous ses états, celui qui nous masque et nous dévoile, nous confronte au monde et à la manière dont nous le forgeons. C’est brillant et la langue s’élance, se tord, déséquilibre le spectateur, l’enchante, l’agace. C’est par le bon mot, la manipulation de la phrase, que les deux finissent par se découvrir.
L’éloquence devient un chemin d’éveil et Daniel Auteuil brille dans le rôle du vieux maitre qui éduque la jeune novice. Il lui ouvre les portes d’une voie que la jeune femme n’imaginait pas. Elle comprend que la parole est une arme quand on sait s’en servir. Elle l’utilisera d’ailleurs, de retour dans la banlieue où le langage n’est pas des plus châtié. Il fait appel au maitre de la parole pour accompagner dans ce chemin ardu sa jeune élève, la confrontant parfois à son image intime. La jeune fille des quartiers pauvres qui voulait s’élever comprend bien plus de choses et s’arme pour la vie tout entière. Dans cet échange entre maitre et disciple, le professeur plonge aussi au cœur de son âme pour progresser vers l’éveil. Le brio c’est le choc éloquent de deux acteurs doués. Daniel Auteuil entre parole et silence nous enchante et s’amuse des apparences pour mieux nous tromper. Dans le fond, Pierre Mazard n’est peut-être pas plus raciste que vous ou moi. Il se joue de nos idées reçues. Il nous provoque, comme les philosophes cyniques le faisaient, pour mieux nous renvoyer à notre propre personnalité. Camélia Jordana, mélange d’insoumission, d’ambition et de rébellion contre le système joue les équilibristes pour un rôle tout en nuances. Il faut donc regarder la lune et non le doigt qui la désigne pour saisir toute la subtilité de cette route initiatrice.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Le Brio
Réalisation : Yvan Attal
Scénario : Yaël Langmann, Victor Saint Macary, Bryan Marciano et Yvan Attal
Photographie : Rémy Chevrin
Montage : Célia Lafitedupont
Décors : Michèle Abbé-Vannier
Costumes : Carine Sarfati
Musique : Michael Brook
Supervision musicale : My Melody
Producteurs : Dimitri Rassam et Benjamin Elalouf
Production : Chapter 2, Moonshaker, Pathé Production, France 2 Cinéma et CN6 Productions
Coproduction : Nexus Factory et uMedia (en)
Distribution : Pathé Distribution
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Genre : comédie
Durée : 95 minutes
Budget : 9 729 038 € (estimation)
Dates de sortie : 22 novembre 2017
Distribution
Daniel Auteuil : Pierre Mazard
Camélia Jordana : Neïla
Yasin Houicha : Mounir
Nozha Khouadra : la mère
Nicolas Vaude : le Président
Jean-Baptiste Lafarge : Benjamin
Claude Perron : la femme au chien
Yvonne Gradelet : la grabataire
Dans les images d'archives : Serge Gainsbourg, Romain Gary, Jacques Brel, François Mitterrand, Yves Mourousi et Claude Lévi-Strauss