Kansas est un cascadeur de western appelé au Pérou pour participer à un film sur Billy the Kid. Une fois celui-ci achevé, il reste sur place pour les beaux yeux de Maria. Une romance prend naissance au bout du monde, dans les paysages perdus d’un ouest reconstitué. Les villageois, possédés par le démon du cinéma, se lancent dans un tournage imaginaire avec des caméras de bambou et des travellings bricolés. C’est ici que l’histoire quitte la piste d’une narration ordinaire pour s’élancer sur d’autres versants de la montagne. Dans un grand kaléidoscope de l’époque, s’entremêlent la quête de l’or, l’amour, la religion, Hollywood et ses tentations, la drogue, le sexe, l’urbanisation d’un monde vierge et sa cohorte de businessmen. Kansas devient la nouvelle légende de ces villageois emportés par leur fièvre créatrice. Il se lance avec son ami sur les traces du film Le trésor de la sierra Madre, en quête d’une mine d’or, réelle ou imaginaire. Tout se fracture, vole en éclats pour prendre la dimension de la métaphore et d’un monde psychédélique.
« Le cinéma a apporté la violence » Prêtre
La première réalisation de Denis Hopper, Easy Rider, marque la naissance du nouvel Hollywood et devient l’emblème de la génération hippie des années 1960-1970. Sous forme de road movie, elle raconte l’escapade de deux jeunes motards, Wyatt et Billy, quittant Los Angeles pour participer à la célébration du carnaval de La Nouvelle-Orléans. C’est un regard sans concession sur l’Amérique profonde en plein changement, avec le fracas des nouvelles idéologies. Il est l’enfant de Kerouac, le mouvement hippie, William S Burroughs, Bukowski et bien d’autres. Le nouvel Hollywood ouvre la porte à de nouveaux jeunes talents comme Steven Spielberg, George Lucas, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Brian De Palma, Michael Cimino. Fort du succès d’Easy Rider, il obtient un financement par Universal souhaitant se remettre à niveau, avec final-cut et le bon vouloir du roi. Le film se tourne au Pérou dans des conditions parfois difficiles surtout avec l’acheminement du matériel et un Denis Hopper abandonnant les sentiers battus.
La vague hippie en 1971, année du tournage, laisse la place à un nouveau monde, avec dans l’ombre, notre société de l’argent qui se faufile. C’est donc à l’aune de ces indications qu’il faut tenter de trouver une raison à la déraison. The Last Movie démarre sur une trame compréhensible pour tous, abordant à travers sa romance la place de la femme dans la société, le cinéma dans le film, et les producteurs d’Hollywood, etc. Dans cette première partie, Denis Hopper n’épargne personne, fustigeant un système que le nouvel Hollywood mettait à bas. C’est la fin des producteurs grands seigneurs, c’est le début d’un cinéma d’auteurs presque indépendants à l’image de notre nouvelle vague. C’est aussi avec certains d’entre eux l’arrivée du blockbuster. Il est admis que le premier d’entre eux est Les dents de la mer. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer le film pour tenter de le comprendre. C’est l’époque d’un courant important, considérant que l’acide et les autres drogues aidaient à la création. C’est donc dans cet état qui était celui d’Easy Rider que Denis Hopper entreprend la deuxième partie du film.
Les thématiques du début sont rejointes par la quête hallucinogène d’une mine qui est autant une utopie, un rêve, un mirage qu’une réalité. Les villageois abandonnent la religion pour se lancer dans une nouvelle adoration, le cinéma. C’est un regard plus pertinent qu’il n’y paraît sur l’époque et ce qu’elle annonce. C’est du cinéma expérimental déstabilisant qui explique une part du rejet du film. Il obtient pourtant à la Mostra de Venise en 1971 : Prix du C.I.D.A.L.C. pour « la contribution qu’il apporte à la compréhension des problèmes les plus urgents du monde moderne grâce à l’expression d’un langage cinématographique original. » Il faudra attendre plus de dix ans pour le voir en France. Il achève la carrière de Denis Hopper, pour un temps. Il tournera ensuite d’autres films. La porte du paradis de Michael Cimino porte encore un coup à la carrière des deux réalisateurs qui auront du mal à s’en remettre. Il faut saisir l’opportunité de sa sortie en 4 K pour ne pas hésiter à se lancer de nouveau dans les méandres d’un voyage peu ordinaire.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Restauration 4K
Réalisation : Dennis Hopper
Scénario : Dennis Hopper et Stewart Stern
Dates de sortie : 21 septembre 1971 (Etats Unis) 30 octobre 1988 (France)
Image : László Kovács
Durée : 108 minutes
Production : Universal Pictures2
Budget : 1 million de dollars
Distribution
Dennis Hopper : Kansas
Stella Garcia : Maria
Julie Adams : Mrs. Anderson
Tomás Milián : Priest
Don Gordon : Neville Robey
Roy Engel : Harry Anderson
Donna Baccala : Miss Anderson
Samuel Fuller : Lui-même
Poupée Bocar : Nightclub singer
Sylvia Miles : Script clerk
Daniel Ades : Thomas Mercado
John Alderman : Jonathan
Michael Anderson Jr. : Mayor's son
Richmond L. Aguilar : Gaffer
Toni Basil : Rose
Toni Stern : Dance-hall girl
Rod Cameron : Pat Garrett
Bernard Casselman : Doctor
James Contrares : Boom man
Severn Darden : Mayor
Louis Donelan : Prop man
Warren Finnerty : Banker
Peter Fonda : Jeune shériff
Fritz Ford : Citizen
Tom Monroe : Citizen
Robert Rothwell : Citizen
Michael Greene : Hired gun
Owen Orr : Hired gun
Samya Greene : Baby
Al Hopson : Sheriff
George Hill : Key grip
Henry Jaglom : Minister's son
Clint Kimbrough : Minister
Kris Kristofferson : Minstrel wrangler
John Buck Wilkin : Minstrel wrangler
John Phillip Law : Little Brother
Ted Markland : Big Brother
James Mitchum : Art
Jorge Montoro : Jorge
Michelle Phillips : Banker's daughter
Richard Rust : Pisco
John Stevens : Cameraman
Dennis Stock : Still man
Dean Stockwell : Billy The Kid