Constance et Bruno ont un beau projet pour reprendre la ferme du père de la jeune fille en faillite. Ils vont bientôt se marier et rêvent déjà à un avenir prometteur. Pour cela il faut que le dossier passe entre les mains de différentes commissions gérées par les hommes du terroir. Le problème, c’est qu’ils sont bien les seuls à croire en la viabilité de celui-ci. Ils doivent convaincre les patriarches de leur faire confiance pour une nouvelle manière de gérer une ferme. Sylvain, président de la région, est prêt à les soutenir mais d’autres enjeux viennent troubler le jeu. Les nouvelles élections et un adversaire coriace n’arrangent pas les choses. Un soir, Constance, venue aux nouvelles, se retrouve dans une situation limite, la peur, la promesse d’un dossier qui passe enfin les barrières du corral. Allez savoir, tout bascule, en un instant l’irréparable est commis. Le silence s’installe sur ce mince espoir et ce sacrifice. Quand elle comprend enfin quel jeu jouer sur cette terre des hommes interdite aux femmes, il sera peut-être trop tard et le scandale n’y fera peut-être rien.
Le western n’est jamais loin dans le deuxième long métrage de Naël Marandin. On pouvait déjà sentir sa pâte dans La Marcheuse. C’est la difficulté d’une femme à trouver sa place dans un monde d’hommes. Tant qu’elle tient son rang de fille de Bernard au coup de fusil facile, tout va bien. Tant qu’elle reste une femme dans un monde patriarcal, cela ne pose aucun problème. Quand elle souhaite changer de statut et devenir l’égale des hommes, la terre lui est interdite. Elle se retrouve rejetée, personne ne croit en sa parole, devenue mensonge. Nous ne sommes pas loin de l’obscurantisme des sorcières d’autrefois, des femmes au foyer et de ses codes archaïques. On accepte la vétérinaire femme du président, mais aussi détentrice d’un savoir précieux. On refuse le droit à la terre à une jeune fille pleine d’enthousiasme. Elle devient un objet de convoitise que l’on bafoue. Elle devient la diablesse quand elle libère la parole.
Elle n’est plus tolérée dans le cercle des hommes. Elle ose réclamer une place d’égale et transgresser la règle. Diane Rouxel est remarquable, tout en finesse, s’appuyant sur les petits riens, un mouvement de visage quand arrive la séquence du drame. C’est dans le détail que le film impose son regard. Elle devient l’étrangère des westerns, la femme qui veut contre vents et marées garder la ferme. C’est sur la réalité que s’appuie la mise en scène avec des séquences-chocs de l’intime. C’est une belle scène quand les machos la comparent à du bétail vendu aux enchères. On en donne combien ! Il faudra que le vieil homme la tire d’affaire pour qu’elle commence à comprendre les règles du jeu. C’est à partir de ce moment qu’elle bascule de victime à chasseur. La Terre des hommes repose sur un scénario solide et une galerie de comédiens dans un registre sobre et convaincant. Il se divise en trois parties ponctuées à chaque fois par la vente aux enchères du bétail.
Dans la première, on découvre un monde obligé de transiger. Elle est la fille de Bernard et en cela, possède toute sa place comme fille de. Dans la seconde, elle est rejetée car porteuse de scandale. Elle voulait quitter l’ombre du père, du cercle des patriarches, réclamer un droit à l’égalité. Dans la dernière partie, c’est une jeune femme victorieuse qui comprend les règles d’un jeu d’hommes et le trouble. Le nouveau président lui propose d’ailleurs une place de choix. Le monde a changé, les temps obscurs sont balayés par le vent de la jeunesse et des femmes qui s’imposent comme des partenaires et non plus des mères au foyer. Nous pensons à notre bergère préférée et son insertion dans un monde d’hommes dans un documentaire sur sa vie. Dans la lignée de Petit paysan, Au nom de la terre, le monde des paysans n’est plus celui du roman Le pain noir d’Emmanuel Clancier. La terre des hommes devient aussi celle des femmes !
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : La Terre des hommes
Réalisation : Naël Marandin
Scénario : Naël Marandin, Marion Desseigne-Ravel et Marion Doussot
Photographie : Noé Bach
Montage : Damien Maestraggi
Décors : Denis Hager
Costumes : Sophie Lifshitz
Musique : Maxence Dussère
Production : Diligence Films, France 3 Cinéma et K'IEN Productions
Sociétés de distribution : Kinology et Ad Vitam Distribution
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur — 2,35:1
Genre : drame
Durée : 96 minutes
Dates de sortie : 30 août 2020 (Festival du film francophone d'Angoulême) 25 août 2021 (en salles)
Distribution
Diane Rouxel : Constance
Finnegan Oldfield : Bruno
Jalil Lespert : Sylvain
Olivier Gourmet : Bernard
Bruno Raffaelli : Blanchard
Clémence Boisnard : Magali
Samuel Churin : Saudemon
Sophie Cattani : Géraldine Rousseau
Yoann Blanc : Jean-Marc Fetet
Jean-François Auguste : un gendarme