Eva est une jeune fille déambulant librement dans les rues de Séville. Elle voudrait devenir danseuse et suit des cours de flamenco. Autour d’Eva dansent des figures masculines avec des envies différentes. Son professeur la trouve assez douée pour envisager pour elle une carrière de danseuse professionnelle. Le père de la demoiselle se réfugie après guerre en Espagne pour des idées à la Céline. Albert, jeune chauffeur de bus, rêve d’épouser Eva, son amie d’enfance, quand elle se décidera à passer le pas. Aux cours d’une de ses balades, elle envoûte un riche manadier séducteur, Mattéo. Il est habitué à ce que ses conquêtes ne lui résistent pas. Eva attend beaucoup plus de la vie et des hommes. Elle n’offrira pas sa virginité facilement et semble s’amuser du cœur du manadier. Il devient l’esclave de son désir, de ce qu’il ne peut posséder, jusqu’à l’obsession.
" Il fait des films froids et ennuyeux, bien astiqués, rutilants comme des réfrigérateurs dernier modèle, ou des machines à coudre revêtues de matière plastique... Comme actrice, il faut bien reconnaître qu’elle [Brigitte Bardot] est exécrable ". Jean Dutourd
La femme et le pantin, est d’abord un roman célèbre paru en 1898 sur le désir et la passion, l’esclavage. Au départ, c’est un projet en cinémascope d’une productrice désirant offrir à Brigitte Bardot un grand rôle. Il finit par être accepter par Julien Duvivier. Ce produit formaté sert avant tout les acteurs et l’actrice principale. La critique dénigre le film à sa sortie et le public le boude. Duvivier lui-même dira plus tard : " Mon film est totalement idiot, totalement manqué ". On est loin de la version muette de 1929 La Femme et le Pantin, de Jacques de Baroncelli. La plus connue et la plus réussie demeure Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel avec Fernando Rey et Carole Bouquet (1977). Il ne faut pas se concentrer sur l’histoire d’amour et le jeu pervers d’une jeune fille déjà féministe.
Elle est bien décidée à ne pas se laisser faire et à mener la danse comme elle le veut. Chaque acteur, chaque actrice joue sa partition sans être emporté par son personnage. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher les notes dissonantes. Elles créent une autre musique bien plus intéressante dans l’esprit de Julien Duvivier. C’est une galerie de personnages fracturés comme les aime le réalisateur. Le père est un écrivain reconnu, dans l’esprit de Céline, réfugié en Espagne. La mère est une ex- danseuse célèbre. Ils ne sont plus que des ombres brisées par la vie. Albert est un jeune garçon au cœur sensible qui cherchera ailleurs son chemin.
D’autres personnages apparaissent dans cette galerie des cœurs perdus, comme le patron de cabaret joué par Dario Moreno. L’autre intérêt est le regard sur Séville, aux mille couleurs, qui devient un personnage à part entière. Julien Duvivier est un homme de la ligne oblique qui ne convient pas au cinémascope. Ce dernier est fait pour les grands espaces, l’horizon. Julien Duvivier s’empresse donc de ne pas répondre à la commande. Les lignes d’escaliers obliques, les couleurs jaune et rouge et d’autres petits détails apparaissent comme un jeu de seconde lecture, extraordinaire. C’est là que le spectateur reconnaitra la patte et le talent d’un Duvivier proposant un autre sujet. Il serait dommage de se priver de cet obscur objet du désir, vintage, qui ne méritait pas toute cette vague de mauvaises critiques à sa sortie.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
"Apologie de la verticalité" : entretiens avec Philippe Roger et Charles Ficat (2021, 46')
Actualité Pathé d'époque : On tourne La Femme et le Pantin - 1958 (0'30")
Bande-annonce d'époque restaurée (3'20")
Comme toujours, les bonus soignés nous permettrons de mieux comprendre l’intérêt et l’analyse du film ainsi que celle du roman de Pierre Louÿs. Le travail de restauration pour la haute définition est de nouveau remarquable.
Titre original : La Femme et le Pantin
Titre italien : Femmina
Réalisation : Julien Duvivier
Scénario : Albert Valentin d'après le roman éponyme de Pierre Louÿs (Éditions Mercure de France, 1898)
Adaptation : Julien Duvivier, Jean Aurenche, Albert Valentin
Dialogues : Marcel Achard
Assistants-réalisateurs : Fabien Collin, Alain Gouze
Décors : Georges Wakhévitch
Costumes : Jacqueline Moreau, Barbara Karinska
Photographie : Roger Hubert
Cadreur : Adolphe Charlet
Son : William-Robert Sivel
Montage : Jacqueline Sadoul
Musique : Jean Wiener, José Rocca
Photographe de plateau : Roger Corbeau
Production : Christine Gouze-Rénal ; producteurs délégués : Pierre Cabaud, René Bézard, Louis Dolivet
Sociétés de production : Dear Film Produzione (Italie), Gray-Film (France), Progéfi (France), Pathé (France)
Directeur de production : Fred Surin
Société de distribution : Pathé
Pays d'origine : France, Italie
Tournage :
Année : 1958
Intérieurs : Studios de Boulogne (Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine)
Extérieurs : en Camargue dans les (Bouches-du-Rhône (France), Séville en Andalousie (Espagne)
Format : couleur par Technicolor - 35 mm - 2.35:1 Dyaliscope - son monophonique
Genre : drame
Durée : 102 minutes
Dates de sortie : 13 février 1959
Dates de Sortie Vidéo: 16 juin 2021
Distribution
Brigitte Bardot : Éva Marchand
Antonio Vilar : Don Matteo Diaz
Lila Kedrova : Manuela
Jacques Mauclair : Stanislas Marchand
Michel Roux : Albert
Daniel Ivernel : Berthier
Dario Moreno : Arbadajian
Jess Hahn : Sidney
Espanita Cortez : Maria Teresa
Claude Godard : Mercedes
Rivers Cadet : l'homme en voiture
Germaine Michel : la femme en voiture
Paul Bonifas : le chef du restaurant français
Dominique Zardi : un marin
Bob Ingarao : un marin
Betty Beckers : une danseuse
Anne-Marie Mersen : une danseuse
Marie-José Guil : Pilar
Denise Carvenne
Gisèle Grimm
Marcel Loche
Roger Stefani
Yolaine Dangly
Monique Just
Elvira Guerrero : une danseuse
Salvador Diaz : un chanteur