En résumé, L'inconnu du lac est un petit Ovni du cinéma français et surtout une belle bouffée d'air frais au regard des dernières sorties Made in France. L'action y est presque théâtrale. Elle se déroule sur trois lieux, le parking où les voitures s'entassent, la plage où se retrouvent les hommes et les bosquets où ils s'ébattent. Le tout donne la sensation d'un huis-clos en pleine nature d'où Franck, le héros, ne peut échapper car irrésistiblement poussé par l'amour qu'il porte à ce sombre inconnu rencontré sur la plage. L'intrigue a des allures de thriller qui prend son temps, un peu trop parfois, empêchant la montée en tension. Alain Guiraudie se concentre sur un des trois hommes : Franck (interprété par Pierre Deladonchamps) , un trentenaire à l'air candide, Michel (interprété par Christophe Paou) , l'inconnu qui transforme à jamais l'ambiance du paisible lieu, et Henri (interprété par Patrick d'Assumçao), un quarantenaire rondouillard, fraîchement divorcé et passant son été sur la plage à contempler le lac. Comme si le réalisateur ne souhaitait pas coller des étiquettes et les ranger dans une case socio-culturelle, nous ne savons presque rien d'eux, les découvrant seulement à travers leurs moments de détente à la plage. Les lieux de vie nous sont interdits, tout comme les soirées qu'ils passent en ville. Seul le personnage d'Henri, bénéficie d'une réelle caractérisation et d'une vraie profondeur. Rustre et solitaire, il fait la connaissance de Franck, avec qui il va nouer une réelle amitié, teintée d'amour. Autour de ce trio sur qui repose l'intrigue, s'aiment d'autres hommes parfois avec passion, parfois avec désespoir, tous dans une quête de jouissance simple et dénuée de tout a priori. Malheureusement, cette plénitude ne supporte pas les attaches, c'est pour cela que le sombre Michel n'accepte pas la routine que lui infligent ses amants, que Franck souffre d'incertitudes à la fois attiré et apeuré par cet inconnu. Petit à petit l'Eden s'assombrit, les bosquets lieux de plaisir deviennent lieu de terreur, jusqu'à la perte complète de Franck D'un point de vue technique, le film est parfaitement maitrisé : le format cinémascope et les plans contemplatifs participent à rendre l'action intemporelle, les scènes d'amours filmées avec décence et parfois avec un esthétisme rare au cinéma. La musique est absente, seuls les bruits du vent et de l'eau du lac, mêlées aux discussions et ébats donnent consistance aux brefs instants que vivent ces hommes. L'inconnu du lac est de toute évidence un film sensoriel, la meilleure façon de l'appréhender est donc d'aller le voir en salle de cinéma ! Sarah Lehu