Hiroshi Inagaki nous propose une tranche de vie du Japon, en pleine guerre, pour la version de 1943 et après-guerre pour celle de 1958. Alors que la priorité est donnée au film de propagande, il fait le choix de réaliser une romance. C’est d’abord une histoire de classes entre Matsugoro le sauvage et la famille de Toshio. En sauvant le garçon, il accède à un autre monde et devient l’ami de la famille. Cette dernière semble apprécier la sincérité et l’aspect entier de sa personnalité. Dans un Japon en pleine tourmente, ce sont des valeurs qui comptent et qui feront sans aucun doute le succès du film. Il obtient le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 1958.

 C’est un Japon en pleine mutation qui s’occidentalise que décrit Hiroshi Inagaki. Les traditions se perdent. Dans ce paysage, Matsugoro appartient à un monde qui disparaît de plus en plus. Il est l’image de ce Japon d’hier, alors que la famille Yoshioka annonce celui de demain. C’est à travers les valeurs que défend Matsugoro, et qu’il tente de transmettre à Toshio, que nous comprenons cette différence. C’est un autre monde, en pleine révolution, que découvre le spectateur. Cette histoire simple nous entraine au cœur d’une société qui ne sera bientôt plus qu’un souvenir. L’autre force du film est son histoire d’amour entre un homme qui se sait de basse extraction et une jeune veuve perdue. Il faudra attendre la fin pour voir Matsugoro déclarer son amour impossible de façon subtile : « J’ai des pensées impures » !

Il choisit de disparaître, laissant Yoshiko, la belle veuve, perplexe. La réalisation oppose un Matsugoro volubile, prêt à faire les quatre cents coups au début qui change avec le temps, et les deux représentants de la famille Yoshioka. L’apprentissage se fait autant du côté de l’homme au pousse-pousse que de Toshio et Yoshiko. Chacun apprend de l’autre et progresse vers son éveil. L’autre partie se joue dans les regards, les non-dits, dans un registre délicat des deux acteurs Toshiro Mifune et Hideko Takamine, tous deux excellents. C’est un petit bijou du cinéma japonais que nous découvrons grâce à un travail de restauration exceptionnel.

Patrick Van Langhenhoven

Bonus :
- Entretien inédit 

- Making-of

Titre : L'Homme au pousse-pousse

    Titre original : 無法松の一生 (Muhōmatsu no isshō?)

    Réalisation : Hiroshi Inagaki

    Scénario : Hiroshi Inagaki et Mansaku Itami, d'après le roman « Matsugoro » de Shunsaku Iwashita

    Production : Tomoyuki Tanaka

    Musique : Ikuma Dan

    Photographie : Kazuo Yamada

    Montage : Yoshitami Kuroiwa

    Décors : Hiroshi Ueda

    Société de production : Tōhō

    Distribution en France : Pathé Overseas

    Pays d'origine : Japon

    Langue : japonais

    Format : couleurs (Agfacolor) - 2,35:1 (Tohoscope) - son mono

    Genre : comédie dramatique

    Durée : 103 minutes

    Date de sortie : 12 décembre 1958

    Date de sortie vidéo : 3 mai 2022

Distribution

    Toshirō Mifune : Matsugoro

    Hideko Takamine : Yoshiko Yoshioka

    Hiroshi Akutagawa : capitaine Kotaro Yoshioka

    Chishū Ryū : Shigezo Yuki

    Chōko Iida : Otora

    Haruo Tanaka : Kumakichi

    Jun Tatara : un employé de théâtre

    Kenji Kasahara : Toshio Yoshioka

    Kaoru Matsumoto : jeune Toshio

    Nobuo Nakamura : le frère de Yoshiko

    Ichirō Arishima : le médecin

    Chieko Nakakita : la belle-sœur de Yoshiko

    Seiji Miyaguchi : le maître d'escrime

    Yoshio Tsuchiya