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affiche L’Extravagant voyage du jeune et  prodigieux TS Spivet 3D

L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet 3D

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Un film de Jean-Pierre Jeunet ,
Avec Helena Bonham Carter, Judy Davis, Callum Keith Rennie,

Genre : Film d'aventure
Durée : 1h45
France

En Bref

« Combien de clichés, dans le monde, sont en fait des clichés de l'instant d'après, et non de l'instant qui poussa le photographe à appuyer sur le déclencheur ? Combien de clichés ne capturent que le vestige, la réaction, le rire, les vagues ? »

 L’histoire commence en plein cœur du Montana au milieu des grandes plaines et des espaces où le regard se perd dans l’infini. C’est ici que T.S Spivet, un petit bonhomme de 12 ans, note scrupuleusement dans des carnets de différentes couleurs tous les gestes et actions du quotidien. Malgré son jeune âge, notre petit bonhomme invente par défi la machine à mouvement perpétuel. Certains enfants, comme Layton, le frère de T.S, passent leur temps à courir la prairie, tuer leur première proie à un âge précoce. Les aventuriers  représentent la quête, l'aventure. Ils se montrent doués pour tout ce qui touche à l’effort physique, usant de leur force pour se confronter au monde et un jour mourir. Depuis, le fantôme de cette journée où Layton jouait avec la carabine et où T.S notait les effets de résistance et de force, hante  son esprit.

Nul ne saura si cela était un accident ou la faute d’un scientifique assoiffé de mesurer le monde. Une seule certitude demeure. Parfois, quand le moral baisse la voile, le fantôme de son frère jumeau vient cogner à sa mémoire. D’autres enfants, comme les filles, préfèrent les paillettes et les concours de miss pour s’émanciper des grandes plaines. T.S Spivet, lui, compte, mesure, fractionne, examine, analyse en bon scientifique pour qui le monde est une grande carte et l’imaginaire à prohiber. (suite en critique)


« Une goutte d’eau est une chose admirable : elle choisit toujours le chemin offrant le moins de résistance. »

 Dans ce jeu des sept familles, il manque le père, un doux rêveur coincé, à l’image de son salon-musée consacré à l’ouest sauvage et au bon temps des cow-boys. Monsieur Spivet demeure bloqué dans un monde où rester sur son cheval quand la pluie tombe et masque la plaine relève de l’habitude et non du défi. Madame Spivet, comme son fils, compte, mesure, fractionne, examine, analyse l’univers des insectes, en quête d’un improbable scarabée. Avec cette bestiole imaginaire, elle compense la perte d’un frère jumeau mort trop tôt ou quête le Nessie des entomologistes. Un jour, un coup de fil transforme à jamais l’univers de notre petit garçon. Il a reçu un prix pour sa machine au mouvement perpétuel. Il se lance donc sur la route, traversant l’Amérique pour recevoir à New York le prix tant convoité par ses pairs. Comment les adultes se comporteront-ils à l’autre bout de la course en s’apercevant que le gagnant est un petit bonhomme de 12 ans ? Qu’importe ! Ce qui compte, comme le dit le proverbe, ce n’est pas le but mais la route.

« Les adultes étaient des entasseurs pathologiques de vieilles émotions inutiles. C'est quand on commence à gober les lucioles que l'absence se transforme en souvenir et que le fantôme devient présence ».

Il n’était pas évident de mettre en image le livre de Reif Larsen, un récit à plusieurs niveaux où se mélangent avec bonheur un jeu de piste, fait de notes sur le côté, de croquis scientifiques et du récit lui-même. De ce côté Jean-Pierre Jeunet s’en sort plutôt bien, utilisant une 3D correcte où le jeu des avant-plans donne une bonne idée de l’espace infini des plaines du Montana. Nous aimons bien aussi ces « pop-up », livres en relief servant de tête de chapitre. Pour les notes dans la marge, il utilise la voix-off, un peu trop présente et souvent prétexte au raccourci narratif. Ce procédé sert parfois à pallier le manque du jeu du comédien. Est-ce le cas ici ? Enfin, les croquis apparaissent dans le cœur de l’image, renforçant l’aspect scientifique. Ils marquent l’analyse du monde entourant le jeune T.S, non plus par le biais de la poésie comme dans Amélie Poulain, mais par le pragmatisme des chercheurs pour qui, comme pour St Thomas, il faut voir pour croire, en poussant plus loin, en comptant, analysant, répertoriant. Pour une fois le récit ne joue pas sur la poésie pure, mais celle, magique, du monde découvert par un scientifique de 12 printemps. C’est bien ce qui différencie le film et le récit de Reif Larsen, son originalité. Les poètes rêvent le monde. Ils inspirent les scientifiques, et si l'imagination commençait là où s'arrête la science ?

L’Extravagant voyage du jeune et  prodigieux TS Spivet s’appuie sur deux thématiques fortes, l’absence et l’opposition. L’absence du frère mort laisse une trace dans le cœur de la famille, chacun se réfugiant dans son recoin pour échapper à la vérité, la confrontation avec la réalité, l’absence. Le voyage peut se voir comme l’éloignement, l’effacement au fur et à mesure de la route. À la fin, il apparaît comme l’un des buts du voyage, vivre avec et non à côté de l’image de frère différent. La mère est scientifique, le père casse-cou. Elle vit dans la pénombre des casiers où sont rangés les insectes répertoriés, notés, rien ne lui échappe, le monde se mesure. Pour lui, c’est les grands espaces, la pluie sur le centaure, le cheval et l’homme ne formant qu’un, le monde s’appréhende à sa démesure. Layton ressemblait au père, le courage, l’effort, le physique, T.S à sa mère, l’intelligence, la pensée. Nous pourrions voir les idées du début du siècle, opposant physique et mental, le scientifique est souvent vu comme un être rachitique, renfermé, obtus.

Cette opposition aboutit à cette notion d’un corps sain, dans un esprit sain. Autre opposition, les espaces des campagnes, la nature à la ville, les gratte-ciel s’élançant vers les nuages. La télé ne vous laisse pas la parole. Elle la transforme. C’est le monde de l’apparence avec la sœur et ses concours de miss, la télé et ses manipulations en opposition au bon sens du vagabond, des fermiers. Nous retrouvons aussi les deux grandes questions sur le monde, la vie et la mort et l’importance de grandir. T.S commence le voyage avec cette idée que la mort c’est ce qui est plus important que tout. Quand devient-on adulte ? Il finit par son opposé, c’est la vie le plus importante. L’importance du train nous renvoie aux pionniers et la grande épopée du rail, qui finissait par éloigner l’ouest sauvage, la figure du cow-boy d’autrefois pour amener le monde moderne, New York. Le film traite donc de nombreux sujets et possède une certaine poésie quand Jeunet ne se repose pas sur ses habitudes. Hélas, il lui manque un acteur principal doté de charisme et qui puisse donner de la force au personnage de T.S  Spivet. Il semble fade et sans relief, ce qui pour un film en 3D est dommage ! Nous terminerons avec ce que certains appellent le coté Bisounours, tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ! Nous rappellerons que la noirceur chez jeunet est avant tout dans l’atmosphère des lieux et non la poussière sur les meubles, et que l’acteur principal semble pour moitié dans ce manque de relief cité plus haut. C’est toujours un plaisir de retrouver l’univers de Jeunet, il lui manque juste un cœur pour battre. Emportés sur les traces du poète, nous nous consolerons avec le livre de Reif Larsen aux éditions Nil L’extravagant voyage du jeune et  prodigieux TS Spivet.

Patrick Van Langhenhoven

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