Constance a de la misère avec les examens. Elle panique, perd ses moyens et loupe le coche. Cette fois elle décide d’abandonner les marchés avec papa et maman, finie la vie de petite provinciale, en route pour la capitale. Elle ignore encore qu’elle se lance dans une véritable quête initiatrice. La première épreuve avant un petit boulot pour payer ses études, c’est de trouver un appartement où poser son baluchon. Ça tombe bien, de l’avis de son fils Monsieur Henri commence à faiblir et un peu de compagnie ne nuirait pas à son caractère désastreux. La jeune étudiante pourrait aussi de temps en temps vérifier que le vieux bougon ne s’égare pas, que sa santé ne frôle pas la catastrophe.
Nous ne pouvons pas dire que leur histoire démarre sous des débuts prometteurs, le ciel est plutôt gris et l’horizon ronchon. Rien ne va plus au casino de son existence, la roulette tombe souvent sur le noir pour ce vieil ours dans sa grotte. Son fils est un imbécile et sa bru ne vaut pas mieux. Dixit Monsieur Henri, il a épousé une sotte et il verrait d’un bon œil leur séparation. Le vieux roublard comprend rapidement tout l’intérêt qu’il pourrait tirer de la gamine. Le deal est simple, elle séduit l’abruti, saccage le petit bonheur et gagne trois mois de loyer gratos et les frais de bail. Constance est-elle capable d’aller jusqu’au bout de cette mauvaise idée ? Le destin surprendra tout ce petit monde en prenant une autre tournure que le chaos espéré.
L’étudiante et monsieur Henri remplit pleinement son objectif, une histoire tendre de vie transformée. Claude Brasseur trouve un des rôles qu’il affectionne, à sa mesure pour lequel il déploie tout le panel de son talent. C’est un petit vieux qui décide de passer le reste de sa vie à emmerder les autres. Il faut croire que cela le réconcilie avec la dernière échéance. Comme Gabin avant lui et bien d’autres, Claude Brasseur s’amuse sans exagérer et donne du relief au registre de l’emmerdeur. C’est parfois un clignement de paupière, un geste, un rien qui, face caméra en gros plan, en dit plus long que la parole. Derrière ce caractère entier se dissimule l’amour qu’il ne sait plus avouer.
C’est la petite Constance et son innocence, ses peurs et sa confrontation avec la vie qui réveille d’autres sentiments plus arc-en-ciel dans le cœur de Monsieur Henri. Derrière le regard tranché se cachent des douleurs que la vie n’a pas cautérisées. La mort de sa femme et un métier de damné pour faire plaisir à papa, comme son fils. C’est la même question qui taraude la pauvre Constance. Elle ne se voit pas arpenter les marchés de province comme ses parents. Elle possède, nichés dans son cœur, d’autres rêves plus grands. C’est là où le vieux monsieur se transforme et joue le rôle d’éveilleur, de Pygmalion, pour la petite. Nous aimons cette thématique : que faire de sa vie ? Laisser nos parents décider à notre place, vivre l’existence rêvée des autres, suivre leur choix ? C’est l’intérêt du film, comment Constance se comporte face à la vie qui s’ouvre devant elle.
Vendre des légumes avec ses parents, continuer de rater ses examens, porter comme un boulet cette idée de l’échec. Le vieux rouspéteur la pousse à s’affirmer, à prendre sa vie en main et déterminer son avenir. De la même façon, il devra peut-être accepter les choix de son fils, y compris celui de vendre le cabinet familial d’expert-comptable. La vie des autres, celle de nos enfants, n’est pas l’histoire de nos envies, de nos échecs. Elle leur appartient et nous devons être des guides pour leur éviter les embuches du chemin. Le film déploie le jeu des antagonismes et des jeux de mots percutants de Claude Brasseur face à une Noémie Schmidt tout en douceur et tendresse. Elle rappelle peut-être à Claude Brasseur cette autre petite fille d’hier faisant ses premier pas dans La boum, Sophie Marceau. Cette comédie sympathique et rafraichissante trouvera pleinement sa place plus tard à 20H30. En attendant, on peut la savourer sur le grand écran.
Patrick Van Langhenhoven
Réalisation : Ivan Calbérac
Scénario : Ivan Calbérac
Production : Mandarin Films, StudioCanal, France 2 Cinéma
Date de sortie: 7 octobre 2015
Distribution
Claude Brasseur : Monsieur Henri
Guillaume de Tonquédec : Paul
Noémie Schmidt
Frédérique Bel