Dennis Alan court le monde en quête de nouvelles plantes médicinales qui permettront aux laboratoires de soulager la douleur et de combattre la maladie. C’est de retour d’une expédition en Amazonie où d’étranges visions lui annoncent un futur marqué par la mort qu’il se voit confier par un labo la mission de ramener le remède miracle qui transforme un vivant en macchabée obéissant. Loin des zombies de cinéma, il découvre des hommes et des femmes possédés, manipulés sous la contrainte de sorciers maléfiques. Il découvre en Haïti un monde où la religion et le vaudou se mêlent pour enfanter une autre vision du monde.
Il débarque dans un pays en proie à un grand changement, secouant le joug des tyrans qui tiennent le peuple sous la peur du Vaudou. Trouver la poudre est une quête qui passe par l’éveil de Dennis qui ne sera plus jamais le même. Il est aidé par la jeune psychiatre, Marielle Duchamp, parfois possédée par l’esprit d’Erzuli. Traqué par le chef des tontons macoutes, il bascule dans un univers sans frontière, entre les vivants et les morts. Entre l’imaginaire des démons transformant la réalité en un cauchemar et un monde en pleine révolte, il devra trouver la vérité. Poudre de perlimpinpin, drogue ouvrant les portes de l’imperceptible, il s’avère que la réalité est bien plus complexe. Au bout de la route, il ne sortira pas indemne de ce voyage aux portes du royaume d’Hadès.
Dans les années quatre-vingt, Wes Craven est avec John Carpenter l’un des réalisateurs qui marque le renouveau du cinéma fantastique. Dans la lignée de ce dernier, il propose une nouvelle façon d’appréhender le fantastique. Il se retrouvera enfermé bien malgré lui dans ce genre. Il rêvait d’une autre carrière plus proche de La musique du cœur 1999. Pourtant, sous l’influence du documentaire, il inscrit ses histoires dans un fond de réalité. L’emprise des ténèbres en 1988 est en cela, pour nous, un point important et culminant de sa carrière. Il part du livre documentaire de l’ethnobotaniste canadien Wade Davis, The Serpent and The Rainbow, titre original du film. Il trouve matière à explorer tout un univers où chamanisme et imaginaire prennent racine dans la réalité ethnographique.
La première partie du film est un voyage au cœur d’une société particulière où magie, christianisme et quotidien ne forment qu’une seule et même chose. C’est un peu le cas du cinéma de Wes Craven qui cherche à briser les frontières entre l’imaginaire et la réalité, souvent minces. Nous pouvons voir cette première partie comme un documentaire sur le Vaudou. La majorité de ses films s’inspirent de faits réels comme La colline à des yeux, La dernière maison sur la gauche, sa première réalisation. Bien avant Conjuring, dans la foulée de L’exorciste, il inscrit la peur au cœur de notre société. Chez lui, tout part du concret pour basculer dans l’onirisme et le fantastique. Très jeune, il notera ses rêves pour mieux en comprendre l’âme profonde. Le point culminant se retrouve dans la saga de Freddy. C’est un voyage dans l’antre des rêves et des cauchemars. C’est ce qui rend son cinéma encore plus effrayant. La mise en scène s’approche souvent du cinéma-vérité, l’histoire reposant sur l’atmosphère et un fond documentaire.
La deuxième partie du film plait moins à l’auteur du livre, basculant dans un genre plus proche du fantastique. Nous pouvons voir dans celle-ci une métaphore sur la chute d’un régime s’appuyant sur le syncrétisme et le Vaudou pour exploiter le peuple. Il tranche avec le cinéma zombie porté par George Romero qui explosera dans les années 2000. Comme chaque fois, c’est un voyage au cœur d’une société qu’il nous invite à entreprendre. À découvrir dans les bonus, Alexandre Aja nous livre un portrait émouvant et complexe du réalisateur qu’il a longuement côtoyé et admiré. Le petit livret accompagnant le DVD et la version Blue Ray développe la théorie du cinéma vérité et cauchemar de Wes Craven, explorant jusque dans les tréfonds son œuvre marquante.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus : un livret exclusif écrit par Frédérique Albert Levy (60 pages) "Gentleman Wes" par Alexandre Aja (29')
Titre français : L'emprise des ténèbres
Titre original : The Serpent and the Rainbow
Réalisation : Wes Craven
Scénario : Richard Maxwell, Adam Rodman, d'après le livre de Wade Davis.
Production : Keith Barish, Doug Claybourne, Rob Cohen, Robert Engelman et David Ladd
Société de production : Universal Pictures
Budget : 7 millions de dollars
Musique : Brad Fiedel
Photographie : John Lindley
Montage : Glenn Farr
Décors : David Nichols
Direction artistique : David Brisbin
Costumes : Peter Mitchell
Pays d'origine : États-Unis
Format : Couleurs - 1,85:1 - 35 mm
Genre : Horreur, fantastique
Durée : 98 minutes
Dates de sortie : 11 mai 1988
Film interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en salles en France.
Distribution
Bill Pullman (VF : Yves-Marie Maurin) : Dennis Alan
Cathy Tyson (VF : Maïk Darah) : Marielle Duchamp
Zakes Mokae : Dargent Peytraud
Paul Winfield (VF : Robert Liensol) : Lucien Céline
Brent Jennings (VF : Med Hondo) : Louis Mozart
Conrad Roberts : Christophe
Badja Djola : Gaston
Theresa Merritt : Simone
Michael Gough (VF : Bernard Dhéran) : Schoonbacher
Paul Guilfoyle : Andrew Cassedy
Dey Young : Mrs. Cassedy
Aleta Mitchell : Célestine