L’ombre du tueur se mêle à celle des réverbères, dans le cœur des rues glissantes sur le pavé pénétrant dans les parkings ou l’appartement où la victime fragile hurle dans le silence de l’oubli. De 1991 à 97, la menace devient grandissante. Celui que l’on surnomme le tueur de l’Est parisien, poursuivi par toutes les polices, continue sa longue saignée, sa trace rouge et noire de victimes innocentes. La fragilité du système apparaît, manque de coordination, de fichiers ADN, panique au 36 quai des Orfèvres, siège de l’élite. La peur comme un brouillard s‘étend sur la capitale, il est temps de réagir. Nous bossons mal dira l’un d’entre eux.
Il faut changer de méthode ouvrir d’autres hypothèses, cogiter ensemble, comparer, échanger pour que le prédateur tombe dans la nasse du chasseur. Mais remontons à cette année 91. Franck Magne un jeune inspecteur est promu à la police judiciaire du 36. Il hérite d’une affaire non résolue, l’affaire Escarfail. On retrouve une jeune femme morte dans les mêmes conditions particulières dans une autre enquête. Un regard nouveau ouvre de nouvelles pistes, lance la meute sur des traces oubliées en vain. C’est le moment que choisit un tueur inconnu pour revenir sur le devant de la scène, des concordances poussent Franck à penser que le tueur est le même. Il faudra attendre que l’horreur grimpe au thermomètre social pour qu’enfin on l’écoute. Cette fois la meute a reniflé la bonne odeur, la bête n’a plus qu’à bien se tenir, la capture est proche.
Frédéric Tellier, issu de la télévision, réussit un premier film intéressant malgré ses faiblesses. Il construit un vrai univers et un regard de réalisateur de cinéma dans l’ombre de Tavernier. Il se place aussi dans la lignée du Zodiac de Fincher et de L’étrangleur de Boston de Fleischer. Il manque peut-être au film de Tellier le point de vue du tueur, un regard sur les meurtres pour prendre le spectateur au corps dans l’horreur et la montée en puissance d’une folie destructrice. Une seule séquence, celle d’une victime qui s’échappe. C’est un point de vue, ignorer l’assassin, se concentrer sur les flics et les victimes. L’autre défaut, il oublie parfois qu’il est dans une fiction et non dans un documentaire. Nous suivons un jeune flic, de son entrée à la PJ jusqu’au moment où grâce à sa ténacité, l’affaire de Guy Georges surnommé le tueur de l’Est parisien va être résolue.
Le film suit la voie de la réalité, l’image ressemble au documentaire et le cadre ne cherche pas à impressionner. Le réalisateur arrive à saisir la ville, que ce soit du haut des toits du 36 ou quand elle glisse dans les quartiers. Ne l’oublions pas, c’est un autre personnage plus qu’un lieu, c’est une personnalité. Le film se divise en deux parties, le procès en parallèle avec l’enquête jusqu'à l’aboutissement final où les deux parties se rejoignent. L’affaire SK1 montre, plus que la lutte interne des services, la naissance d’une nouvelle police, d’outils indispensables à la quête des meurtriers. Le fameux fichier d’empreintes ADN, longtemps décrié par certains, démontre ici toute son utilité. De la même façon, la nécessité de confronter les enquêtes en cours pour en dévoiler les concordances ou non.
Les scènes de crime se rapprochent de la réalité parfois difficile à regarder dans leur horreur crue, cette mort étalée, ces vies innocentes s’achevant dans le néant, le sang. La difficulté du récit c’est une longue traque, des années de poursuite, un criminel qui passe entre les mailles. Guy Georges est appréhendé plusieurs fois comme délinquant sexuel violent et relâché. Nous remarquerons la prestation d’Adama Niane dans le rôle de Guy Georges, impressionnant. Le reste de la distribution se coule dans le moule de leur personnage de façon juste. Il manque plus de scènes comme la confrontation du personnage de Nathalie Baye et de Raphaël Personnaz.
Moi je traque l'homme derrière le monstre dit l’avocate de la défense. Moi je traque le monstre lui répond le flic. Avouer sa faute efface-t-il la bête dans l’homme ? SK1 soulève de justes interrogations quant à la défense d’un tel criminel ou la nécessité absolue des aveux pour les familles des victimes. Il reste parfois un peu trop didactique et manque de ce qui fait le succès de Zodiac par exemple.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : L'Affaire SK1
Réalisation : Frédéric Tellier
Scénario : David Oelhoffen et Frédéric Tellier
Musiques : Christophe La Pinta et Frederic Tellier
Direction artistique : Stéphanie Bertrand
Photographie : Mathias Boucard
Montage : Mickael Dumontier
Production : Julien Leclercq et Julien Madon, en coproduction avec Julien Deris, Franck Elbase, David Gauquie, Nicolas Lesage et Etienne Mallet
Sociétés de production : Labyrinthe Films, en coproduction avec Cinéfrance 1888 et SND
Société de distribution : SND
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Formats de projection : couleurs
Genre : drame, policier, thriller
Durée : 120 minutes
Dates de sortie :
France : 7 janvier 2015 (sortie nationale)
Distribution
Raphaël Personnaz : Franck Magne
Nathalie Baye : Maître Frédérique Pons
Olivier Gourmet : Bougon
Michel Vuillermoz : Carbonnel
Adama Niane : Guy Georges
Christa Théret : Elisabeth Ortega
Thierry Neuvic : Jensen
William Nadylam : l'avocat de Guy Georges
Marianne Denicourt : la chef de la Crim
Chloé Stefani : Corinne
Olivier Balazuc : Lemoine
Alexia Barlier : Solange Doumic
Jérôme Gaspard
François Rabette
Anthony Paliotti
Chryssa Florou
Stéphanie Slama
John Sehil
Michèle Raingeval