C’est beau la famille américaine idéale, un papa travaillant dur, mais toujours disponible, une maman attentionnée, deux jolies têtes blondes et le chien. Vous imaginez le monde idyllique des Bisounours, pas de haine, pas de colère, le couple parfait ! C’est la vie rêvée, sans engueulade ni gratin brûlé, la petite maison dans la prairie, un monde de carte postale à l’américaine. Un jour toute la petite famille part en balade et monsieur reste pour finaliser une dernière mise au point sur un projet architectural, avant de les retrouver. Toc toc, un soir de pluie deux créatures aux tee-shirts mouillés réclament un peu de chaleur et de quoi téléphoner pour obtenir l’adresse d’une soirée dans le coin.
Le brave papa, sans un soupçon d’idée érotique, ou plus si affinités, leur apporte son aide. Dans un monde paradisiaque, vous ne laissez pas deux pauvres âmes sous la pluie battante. Toc ! Toc ! Qui c’est ? Le grand méchant loup déguisé en soubrette, même les petits cochons s’y laisseraient prendre. Les contes nous disent pourtant de toujours de nous méfier des apparences. Tu n’ouvres pas la porte après minuit et tout un tas de fariboles et falbalas pour nous prévenir du danger. La nuit sera chaude, camarade. Elle vire très vite au cauchemar, surtout quand les gamines trainent des idées des plus perverses dans leur besace. Notre brave père de famille n’en est pas moins un homme avec ses faiblesses, bienvenue en enfer !
Eli Roth aime les films d’horreur. Il révolutionne le genre en relançant le torture porn ou horreur-trash avec Hostel. Nous trouvons déjà cette idée d’égarement, de victime perdue qui se retrouve au pays du méchant loup. A Deauville cette année, nous découvrons aussi sa version d’Holocauste cannibale avec Green Inferno bientôt en e-cinéma. Il détruit ici le mythe de l’Amérique ancrée au sable de la bible, la sacro-sainte famille, depuis DW. Griffith avec Naissance d’une nation. Knock Knock est une petite maison dans la prairie comparée à ses autres films. Entre le conte et le thriller avec un début où tout le monde est heureux et le bonheur coule comme un pot de miel chez Winnie l’Ourson.
La soirée part en vrille avec l’arrivée de ces deux filles. Elles vont prendre dans leurs griffes ce brave père de famille qui finit par céder et se retrouver en enfer. La suite bascule dans le genre et à aucun moment le spectateur ne trouve des incohérences, emporté dans cette folie qui ne fait qu’exploser. Alors n’ouvrez pas la porte un soir de pluie à deux nymphettes trempées, car derrière se cache des harpies. Moins violent, il joue des situations dans lesquelles se retrouve Keanu Reeves. Ce dernier, sans cabotiner avec son physique de jeune premier, s’amuse dans le rôle de ce brave type qui dit non comme la poupée de la chanson. Il détourne les codes du genre pour une version à sa sauce, délicieuse. Le spectateur se retrouve en terrain connu. Sans résistance, il se laisse emporter par une narration où, à chaque détour de l’histoire, les codes prennent une nouvelle direction.
Il abandonne le noir et l’esprit malsain de ses réalisations habituelles pour ne laisser qu’un arc-en-ciel qui vire à la mauvaise blague en tirant sur le noir. Derrière cette petite variation se cache la mise à bas de la mythologie de la famille américaine qui prend du plomb dans l’aile. Il commence par placer un paysage idyllique, le couple utopique, sans faille, parfaite dans son bonheur que rien ne peut atteindre. Il continue avec les deux jeunes filles innocentes que notre homme idéal cherche à protéger des méchants prédateurs alentour. Une fois l’atmosphère installée, il démonte la mécanique pour la retourner de façon perverse. Les gentilles gamines se transforment en prédatrices perverses, sorcière que le bon pasteur combat. De la même façon, le gentil papa se trouve rattrapé par ses instincts et lui aussi montre sa vraie nature. Il semble nous dire que derrière les apparences du bonheur, se cache une porte qui, une fois poussée, nous conduit aux ténèbres de l’âme.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Knock Knock
Réalisation : Eli Roth
Scénario : Guillermo Amoedo, Nicolás López et Eli Roth
Direction artistique : Fernando Alé
Décors : Marichi Palacios
Costumes : Elisa Hormazábal
Photographie : Antonio Quercia
Musique : Manuel Riveiro
Production : Miguel Asensio, Colleen Camp, John T. Degraye, Cassian Elwes, Nicolás López et Eli Roth
Producteurs délégués : Sondra Locke, Teddy Schwarzman et Peter S. Traynor
Sociétés de production : Black Bear Pictures, Camp Grey, Dragonfly Entertainment, Elevated Films et Sobras International Pictures
Sociétés de distribution : Lionsgate (États-Unis), Synergy Cinéma (France)
Pays d'origine : États-Unis, Chili
Langue originale : anglais
Format : couleur - DCP
Genre : Thriller érotique
Durée : 99 minutes
Dates de sortie1 : France : 23 septembre 2015 - 12 ans
Distribution
Keanu Reeves (VF : Jean-Pierre Michaël) : Evan Webber
Lorenza Izzo : Genesis
Ana de Armas : Bel
Ignacia Allamand : Karen Alvarado
Aaron Burns : Louis
Colleen Camp : Vivian