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affiche Knight of Cups

Knight of Cups

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Un film de Terrence Malick ,
Avec Christian Bale, Natalie Portman, Cate Blanchett,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h58
États-Unis

En Bref

Terrence Malick a depuis The Tree of Life particulièrement divisé. Appréhender son œuvre est devenu une tâche ardue, entre réminiscence d’un passé sublime signe d’un génie et d’une expérimentation contemporaine digne d’un véritable cinéaste. Avec sa Palme d’Or à Cannes en 2012, Malick inventa une arabesque cinématographique qui ne le quitta ni dans À la Merveille ni encore moins avec Knight of Cups. Ces derniers scintillent comme des variations sur les thèmes de prédilection du réalisateur, avec une tendance à radicaliser son style.

Knight of Cups, son troisième film en quatre ans, narre l’histoire d’un scénariste hollywoodien ne réussissant jamais à vivre pleinement sa vie, sur fond de relations familiales tendues et de relations amoureuses tortueuses. Quand on connaît la difficulté de Malick à trouver sa place dans le monde du cinéma américain et la discrétion dont il fait preuve, le geste peut alors prendre une tournure autobiographique. Convoquant tous types de caméras et d’images, peu de narration, une omniprésence musicale et de la voix-off, Knight of Cups a tout de l’expérimentation, en convoquant des moments clés de vie et de grâce.


Malick dans ses précédents films, puis dans The Tree of Life, avec un geste magnifique, devenait le maître de la grâce. Il imposait déjà auparavant dans des récits narratifs avec des scénarios tenus, des envolées sublimes, atteignant un cinéma du toucher, où la caméra semblait voler, danser, dans des instants d’une grâce et de beauté jamais atteints. La tendance semble s’être - malheureusement ? - inversée pour Malick : la grâce devient son leitmotiv, au point qu’il en oublie la narration. La puissance des scènes familiales de The Tree of Life était le parfait exemple tangible de cette hybridation. Après l’abstrait de la création du monde - même si les images étaient très belles - la simplicité et la délicatesse du personnage de la mère en contraste avec l’incommensurable rigueur prônée par le père proposait un couloir expiatoire, une issue incarnée par la grâce, dans la vie comme dans le cinéma de Malick. Knight of Cups, long poème pourtant plus brutal - notamment avec le montage - ne recourt plus à cela.

Le film a bien quelque chose du grand geste cinématographique et retentit comme un véritable poème. Le réalisateur américain est un des seuls à pouvoir réaliser cela et le sait très bien. Véritable flot d’images assemblées façon patchwork avec une vitesse souvent ahurissante, il ne laisse pas de temps morts à l’œil, souvent aussi ébahi que perdu. Cela relève d’une complète maitrise de son art et des flux d’images, tant le film devient une évidence du flux d’images imposé à tous aujourd’hui et incarné métaphoriquement par les axes de la ville, signe de rapidité et de progrès dépassant le personnage. Malick réussit ce passage comme Godard avec son ésotérique Adieu au langage. Les deux réalisateurs semblent utiliser le medium à part entière, comme une entité même du film, pouvant incarner des émotions émises par des images impossibles - même si Godard poussait ce procédé véritablement dans ses retranchements, obtenant un contenu presque inédit, avec la 3D notamment. Inédit ne serait pas le terme qui revient ici tant dans les sujets que dans les images inter-films ou intra-films.

Malick semble recycler un vieil objet en lui donnant une teinte ultra-contemporaine. Le rendu complexe légitime l’action. Parmi ces images, l’impression d’une reprise subsiste : la délicatesse du toucher de la caméra, les élévations et l’ubiquité des quatre éléments comme retour à la nature (air, eau, terre et feu) pourraient sortir de The Tree of Life ou même d’A la merveille. Il n’y a en cela rien de nécessairement négatif et valorise le style particulier du réalisateur, reconnaissable à coup sûr. Pourtant l’effet semble s’atténuer, à mesure également que le film avance. C’est ce qui était décrit plus haut qui manque : ici tout est grâce ou essaye de l’être. Le plus mineur À la merveille avait avancé une certaine lassitude, quant à l’absence de narration et le creux partiel du sujet. Cette variation sur l’idée d’amour prend une proportion autre : cette fois, l’amour est étalé sur une vie, des moments de perdition aux moments de bonheur et se tient bien plus. Malick réussit à épurer le cours d’une vie  et l’axer dans une perspective de quête du bonheur, d’accomplissement de soi, en fonction des relations de son protagoniste, son tempérament.

Cela accouche de sublimes moments, dont lui seul a le secret, de la débauche de ses soirées à l’élégance d’une rencontre ou des difficultés familiales. La caméra semble constamment dans une recherche, similaire à celle de son personnage, en flottant autant qu’il tâtonne, dans un illustre effet de proximité. L’élévation serait la clé. Mais les revers du cinéma de Malick ne s’arrêtent pas aux thèmes ni aux images qu’il reprend. Le réalisateur use et abuse de ses réussites. Sa relation à l’eau est sublime et les images qu’il en tire de même - des chiens et leurs balles à la fille nageant dans la piscine… Il les répètera et réalise trois plans par moments quand un seul aurait eu un écho bien plus fort. Cette forme d’insistance fait également perdre au propos de la force et de la spontanéité, à notre grand regret.

Même si la fin et l’interchangeabilité, sûrement souhaitée des filles au-delà de la désincarnation des acteurs, ralentit le geste, Malick offre un message très particulier. Il y a ici une profondeur, dans la simple alternance des voix-off sur-utilisées : en contemplant la vie de Rick (Christian Bale), chacun peut s’identifier, dans une quête universelle sous un angle mystique. À la vue de ces moments, chacun peut s’interroger sur lui-même et son souhait de vivre véritablement. Et si le prêtre du début n’était autre que Terrence Malick ? Sa sensibilité à retranscrire les moments de la vie parait unique et ne tient pas que dans l’image mais dans la sensation.

Dans une scène, Rick s’adresse à une strip-teaseuse dans un dialogue décalé. Ce court instant fait beaucoup plus que de nombreuses images du film et rappelle, ô combien, à quel point l’écriture du réalisateur pouvait toucher sans effets superflus. Malick agacerait presque avec sa façon unique d’émerveiller autant qu’il se répète, de transporter autant qu’il ennuie… L’émotion demeure pourtant là. La curiosité de l’orientation de ses prochains films laisse place à l’espoir, tant la complexité et la singularité du réalisateur ne sauraient se détacher de nous.

 Clément SIMON

Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9,
Langues Audio : Anglais , Français Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français
Edition : Metropolitan vidéo

  • Bonus
  • un livret de 38 pages
  • Dans les coulisses (4')
  • Entretien avec le producteur Nicolas Gonda (10')
  • Bandes-annonces

  Titre original : Knight of Cups

    Titre français : Knight of Cups

    Titre québécois : Le Cavalier de coupe

    Réalisation : Terrence Malick

    Scénario : Terrence Malick

    Direction artistique : Jack Fisk

    Décors : Ruth De Jong

    Costumes : Jacqueline West

    Montage : Mark Yoshikawa

    Musique : Hanan Townshend

    Photographie : Emmanuel Lubezki

    Son : Joel Dougherty

    Production : Nicolas Gonda, Sarah Green, Ken Kao et Daniel Newman

    Sociétés de production : Dogwood Films et Waypoint Entertainment

    Sociétés de distribution : FilmNation

    Budget :

    Pays d’origine : États-Unis

    Langue originale : Anglais

    Format : couleur - 2,35:1 - son Dolby numérique

    Genre : Film dramatique

    Durée : 1h58

    Dates de sortie :25 novembre 20151

Distribution

     Christian Bale : Rick

    Cate Blanchett : Nancy

    Natalie Portman : Elizabeth

    Antonio Banderas : Tonio

    Ben Kingsley (voix uniquement)

    Teresa Palmer : Karen

    Imogen Poots : Della

    Isabel Lucas : Isabel

    Joe Manganiello

    Nicky Whelan

    Joel Kinnaman

    Nick Offerman

    Jason Clarke

    Wes Bentley : Barry

    Kevin Corrigan : Gus

    Freida Pinto : Helen

    Joe Lo Truglio

    Ryan O'Neal

    Katia Winter (en) : Kate

    Shea Whigham

    Clifton Collins Jr.

    Michael Wincott : Herb

    Brian Dennehy : Joseph