Née sous un ciel étoilé, Jupiter Jones est promise à un destin hors du commun. Devenue adulte, elle a la tête dans les étoiles, mais enchaîne les coups durs et n'a d'autre perspective que de gagner sa vie en nettoyant des toilettes. Ce n'est que lorsque Caine, ancien chasseur militaire génétiquement modifié, débarque sur Terre pour retrouver sa trace que Jupiter commence à entrevoir le destin qui l'attend depuis toujours : grâce à son empreinte génétique, elle doit bénéficier d'un héritage extraordinaire qui pourrait bien bouleverser l'équilibre du cosmos…
Après deux expérimentations plutôt excentriques et houleuses dans Speed Racer puis dans Cloud Atlas, le tandem de la trilogie Matrix revient avec son nouveau blockbuster SF, Jupiter Ascending (en VO). Une nouvelle folie dans laquelle « les Wachowski », comme ils aiment à se faire appeler, explorent, comme dans chacun de leur opus, un concept orphelin, complètement déconnecté, au décorum et lubies psychédéliques uniques. Surchargé de paillettes, de bastons high-tech et de fantaisies kitsch en tous genres, Jupiter signe un passage remarqué dans le paysage déjà surchargé de la pop-culture contemporaine mais s’en sort sans commune mesure. Hors, comme pour chacune de leur progéniture, le produit divise. Alors, le travail des Wachowski cache des ambitions artistiques visionnaires ou une esbroufe kitsch assumée ?
Impossible de trancher ou de faire l’avocat du diable ici. Dans Jupiter : le destin de l’univers, il y a clairement deux poids, deux mesures. D’un côté, on retrouve toute la propension des cinéastes à faire du cinéma pop corn avec romance et théâtralité, grossier et grotesque, et d’un autre, on assiste à l’éclosion d’une idée originale, bien que linéaire, qui offre au duo une amorce infinie pour leurs digressions esthétiques extravagantes mais bluffantes. Pour leur premier film réalisé en 3D, il est vrai qu’ils ont tapé fort, aidés du concepteur d’effets spéciaux John Gaeta, oscarisé pour son travail dans Matrix, du chef opérateur John Toll et du monteur Alexander Berner (Cloud Atlas). Ensemble, ils mettent au point des myriades de séquences d’action numérique toutes plus pétaradantes les unes que les autres, le tout dans un enchainement d’acrobaties et de péripéties enlevé. Mention spéciale à la course poursuite entre ciel, terre et mer dans Chicago, jonchée d’effets sensationnels et montée au millimètre pour une expérience aérospatiale décoiffante. A cet exercice, qui pourrait commencer à lasser, les Wachowski se révèlent encore plein de ressources et parmi les plus doués en la matière. Dans un dédale de décors surilluminés et fantasmagoriques, l’accumulation de motifs et la richesse des décors témoignent de l’imagination débordante des créatifs, et on en redemande (attendez de voir Tatum dans son bain face à la fenêtre de son vaisseau, observant Jupiter, fascinant…).
Comme bien souvent dans le genre SF, face à cette esthétique pour le moins envahissante, le scénario n’en mène pas large. Avec un script original de 600 pages (pas moins !), les Wachowski ont vraisemblablement passé plus de temps à décrire le contexte qu’à se consacrer aux dialogues. Les clichés s’enchainent, visant à annihiler toute crédibilité ou subtilité chez leurs personnages : le méchant chuchotant très théâtral, les sbires tout droit sortis d’un vieil épisode de Star Trek, la famille russe qui trafique et dont le patriarche hurle « par les couilles de Staline !». En plus de ça, la pseudo-romance façon la Belle et la Bête qui se trame entre Jupiter et Cain semble complètement catapultée de l’au-delà. On comprend ça et là où le duo de réalisateurs veut en venir dans sa vision des choses selon laquelle l’univers serait gouverné par trois héritiers dont l’un, Balem (Eddie Redmayne surprenant mais décevant), cultive les humains sur la Terre en vue d’une grosse moisson à venir qui permettra de grossir les stocks de cellules humaines régénératrices. Le postulat est plutôt bon à vrai dire (si on aime le genre) mais il est traité avec une telle naïveté pro-action et pro-romance que ça en devient assez rapidement grotesque. Pour essayer d’en faire toujours plus, les Wachowski vont aller jusqu’à introduire un léger ton comique dans leur œuvre grâce au duo Tatum/Kunis et à quelques situations cocasses : on pense notamment à la métaphore de l’administration qui est, dans leur univers, un vrai capharnaüm. Channing Tatum, blondinet bodybuildé, guerrier génétiquement mixé avec le loup est flanqué d’oreilles de “Spock“ du plus mauvais effet mais arrive à sauver sa partition dans un personnage faussement vulnérable. En face, Mila Kunis semble à des années lumières de son rôle mais n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour incarner un personnage un peu vide, bien que central.
A l’arrivée, Jupiter : Le destin de l’Univers (rien que ça) arrive tant bien que mal à puiser dans ses forces de quoi combler ses faiblesses. L’esthétique et le montage animé font tout le boulot au détriment d’un scénario mal fichu et d’un casting un peu perdu. Si on ne boude pas son plaisir devant une 3D d’un bel effet et devant les abdos de Tatum, on n’ira pas jusqu’à crier au chef d’œuvre, loin de là. Sympa mais pas de quoi lancer une franchise en somme, mais ça ne va sûrement pas les arrêter.
Eve Brousse
Bonus:
Copie digitale offerte au format UltraViolet
"Jupiter Jones : notre destinée est ancrée en nous" : le voyage de Jupiter Jones, de simple immigrante à Reine de l'Univers
"Jupiter le destin de l'Univers : combinaison génétique" : la création des hybrides animaux-humainsb
Fiche technique
Titre original : Jupiter Ascending
Titre français : Jupiter : Le Destin de l'univers
Réalisation et scénario : Lana et Andy Wachowski
Direction artistique : Hugh Bateup
Décors : Charlie Revai
Costumes : Kym Barrett
Montage : Alexander Berner
Musique : Michael Giacchino
Photographie : John Toll
Production : Grant Hill, Lana et Andy Wachowski
Sociétés de production : Village Roadshow Pictures, Warner Bros. et The Aaron Sims Company
Sociétés de distribution :États-Unis Warner Bros. France Warner Bros. France
Pays d’origine : États-Unis
Budget : 175 000 000 $1
Langue originale : anglais
Format : couleur - Son : SDDS - Datasat - Dolby Digital
Genre : science-fiction, action
Distribution
Channing Tatum (VF : Axel Kiener) : Caine Wise
Mila Kunis (VF : Marjorie Frantz) : Jupiter Jones
Sean Bean (VF : François-Éric Gendron) : Stinger Apini
Eddie Redmayne (VF : Donald Reignoux) : Balem Abrasax
Douglas Booth (VF : Valéry Schatz) : Titus Abrasax
James D'Arcy : rôle inconnu
Bae Doona (VF : Geneviève Doang) : Razo
Tuppence Middleton (VF : Laurence Breheret) : Kalique Abrasax
Vanessa Kirby (VF : Barbara Kelsch) : Katharine Dunlevy
Terry Gilliam : rôle inconnu
Gugu Mbatha-Raw (VF : Céline Ronté) : Famulus
Edward Hogg : rôle inconnu
Ariyon Bakare (VF : Jean-Jacques Moreau) : Greeghan
Christina Cole (VF : Ilana Castro) : Gemma Chatterjee
Maria Doyle Kennedy (VF : Danièle Douet) : Aleksa
Spencer Wilding (VF : Jean-Alain Velardo) : Falque
Sharon Coleman (VF : Catherine Artigala) : Pedistrian