Le jeune Willow intègre la prestigieuse unité de fort Myer chargé de l’hommage aux combattants tombés dans la boue au Viêt Nam. Il est le fils d’un vétéran, notamment de la guerre de Corée. Il croise la route du sergent Clell Hazard et du sergent major Goody Nelson, amis de son père. Clell Hazard prend le jeune homme sous son aile, le considérant comme son fils. À l’arrière, loin du bruit de la mitraille et du hurlement des canons, ils représentent l’adieu aux armes des pauvres gosses enterrés dans le cimetière militaire d’Arlington. Willow ne rêve que de suivre la voie de son père et affronter l’ennemi pour l’honneur de la patrie. Clell Hazard connaît cette guerre qu’il pense inutile, perdue d’avance. Il fait tout pour empêcher Willow de gagner le front. En toile de fond, avant le chant des morts, se noue une romance entre Willow et son ex-petite amie, ainsi qu’entre Hazard et une journaliste. À la fin, il ne reste que l’absence, le vide, quand Hazard enterre ce gamin mort au champ d’honneur couvert de médailles, six pieds sous terre.
Jardins de Pierre s’inscrit dans une filmographie plus intimiste à l’image de Peggy Sue s’est mariée, Tucker, oubliée du grand public. Dans les années 80, l’Amérique s’interroge sur la guerre du Viêt Nam à travers la figure du vétéran. Après le chaos de la guerre et ses conséquences, Apocalypse Now, le réalisateur explore une autre facette du conflit. Il utilise trois figures, trois regards arpentant ce territoire vu de l’arrière. C’est la journaliste pacifiste Samantha Davis, magnifique Anjelica Huston, l’innocence idéaliste, le jeune Jackie Willow, D. B. Sweeney et le vétéran Clell Hazard, James Caan. Il complète la violence et l’absurdité d’un premier film Conradien, avec son héros perdu. Clell Hazard pose peut-être en partie le même regard que le colonel Walter E. Kurtz. « Il n’y a rien à gagner et cette guerre est impossible à gagner », nous dit Hazard. Il est celui qui sait, qui revient des champs de bataille un peu plus meurtri.
Il souhaite préparer les jeunes recrues à l’indicible chaos. Jackie Willow représente le fils du vétéran qui souhaite inscrire son histoire dans celle de son père. La relation qui s’installe entre Willow et Hazard devient celle d’un père et d’un fils. C’est celui qui ne sait pas, l’innocence brisée sur les flammes d’un enfer qu’il découvrira bien plus tard. Samantha Davis se situe entre les deux, militant pour la paix et la diplomatie, la vie contre la mort. Tous les trois finiront sur ou dans une tombe au cimetière d’Arlington. C’est la mort qui finit par triompher. Elle réunit les vivants et les hommes tombés au champ de bataille, depuis la guerre de Sécession jusqu’à aujourd’hui. C’est ici que flottent les oriflammes, que tonne le canon pour un dernier hommage. Au chaos de la mise en scène d’Apocalypse Now répond le classicisme de Jardins de Pierre. À l’instar de son sujet, tout doit être en ordre pour le dernier voyage, parfait.
Un jeune soldat maladroit nous prouve que rien ne peut être parfait, pas même la mort. La mise en scène impeccable donne du sens à chaque cadre. On pense au cinéma de John Ford par certains aspects, la même figure du héros par exemple. « Jardins de Pierre, comme le dit Jean-Baptiste Thoret, est un film mélancolique sur le deuil ». C’est bien ce sentiment qui parcourt, transcende le récit du début à la fin, avec la question de la nécessité de cette guerre ou pas. Francis Ford Coppola donne du temps au temps. Loin de la course folle d’Apocalypse Now, une certaine lenteur permet aux personnages de jouer du silence pour méditer sur les sujets du film. La sortie en vidéo devrait permettre à Jardins de pierre de retrouver une bonne place dans la filmographie riche de Francis Ford Coppola.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
"Fantômes de guerre"" (20 mn)
- Bande-annonce originale
Titre francophone : Jardins de pierre
Titre original : Gardens of Stone
Réalisation : Francis Ford Coppola
Scénario : Ronald Bass, d'après le roman de Nicholas Proffitt
Musique : Carmine Coppola
Photographie : Jordan Cronenweth
Montage : Barry Malkin
Décors : Dean Tavoularis
Direction artistique : Alex Tavoularis
Producteurs : Francis Ford Coppola et Michael I. Levy
Sociétés de production : ML Delphi Premier Productions, TriStar et American Zoetrope
Genre : drame
Budget : 13 millions de dollars
Dates de sortie : 6 janvier 1988
Dates de sortie vidéo : 17 février 2021
Distribution
James Caan (VF : Bernard Tiphaine) : le sergent Clell Hazard
Anjelica Huston (VF : Béatrice Delfe) : Samantha Davis
James Earl Jones (VF : Benoît Allemane) : le sergent-major « Goody » Nelson
D. B. Sweeney (VF : Thierry Bourdon) : Jackie Willow
Dean Stockwell (VF : Jean Barney) : le capitaine Homer Thomas
Mary Stuart Masterson (VF : Virginie Ledieu) : Rachel Feld
Dick Anthony Williams (VF : Med Hondo) : Slasher Williams
Lonette McKee : Betty Rae
Sam Bottoms : le lieutenant Webber
Elias Koteas (VF : Eric Legrand) : Pete Deveber
Laurence Fishburne : le sergent Flanagan
Casey Siemaszko : (VF : Bernard Gabay) : Albert Wildman
Peter Masterson (VF : Raymond Loyer) : le colonel Feld
Carlin Glynn : Mme Feld
Erik Holland (VF : Jean Lagache) : le colonel Godwin
Bill Graham (VF : Sady Rebbot) : Don Brubaker
Terrence Currier : l'éditeur