Constance, se retrouve jetée sur le pavé comme une épave, abandonnée au gré du courant, quel avenir construire dans ces conditions. Elle quitte la capitale où elle squattait des logements qu’autrefois elle vendait à des braves gens ordinaires. Nous apprendrons plus tard que l’on ne mélange pas la vie privée et le travail. En général ces histoires d’amour finissent mal. C’est juste une fille en bout de course, un peu paumée qui retourne chez maman. « Elles sont terribles ces mères, on part pour leur échapper et elles nous rappellent ». En chemin, elle croise un bourgeois que le sexe rapproche, accroche dans une nouvelle histoire. Elle en oubliera, dans les bras d’un autre, celui qui l’a jetée. Elle retrouve la vieille maison de son enfance, les vieux vêtements d’autrefois qu’on endosse pour exorciser le présent, et se rappeler l’insouciance de la jeunesse.
Cela ne fonctionne pas, le temps avance et ne vous attend pas. Constance doit trouver un boulot, pourquoi pas l’ancienne agence de ses débuts ? Personne ne veut d’elle, trop vieille, trop de trahisons, de cicatrices qui ne sont pas refermées. Philippe, son ancien amant, est marié. Il essaye bien de soutenir sa candidature, mais c’est une autre qui prend la place. Audrey est jeune et prête à faire des concessions. Elle est au début de la vie. Constance se trouve au milieu de la rivière quand le courant vous effleure et vous ignore, pauvre caillou perdu. Comment cette dernière réagira-t-elle à tout ce trop, ce pas assez, cette mère dans le coma qui ne dit rien, cet amant qui ne dit plus, cette jeune femme qui lui vole ses rêves de retour. Est-ce que le sport, la sexualité sauvage suffiront à canaliser la tempête qui gronde et souffle ?
Tout se déroule dans ce jeu des apparences et du mensonge où ce que l'on voit, dit et entend n’est que tromperie. La vérité, depuis longtemps, est partie en migration pour un rêve brisé, mort sur le pavé d’une ville où pleurent les épaves des navires déchus. Tout s’amuse de nos sens et des illusions perdues. Sous le calme se cache la tempête qui monte et qui finit par éclater. Quand on n’a plus de lien avec sa vie, on emprunte celle des autres. On en invente une meilleure. Constance est un de ces personnages qu’aurait aimé filmer Chabrol, dans ces petites villes de province où le temps semble ne plus avoir de prise. Elle est en bout de piste, plus rien ne la retient. Elle finit par lâcher prise, emportée par le fond de son âme déchue. Habilement Sébastien Marnier nous entraine sur les pas de cette femme brisée que la vie n’épargne pas.
Forcément, nous commençons par l’aimer, lui pardonner ses petits travers, ses défauts, ses inconstances. Peu à peu, elle se révèle plus nocive, plus terrifiante, prête à tout comme la Suzanne de Gus Van Sant dans le film du même nom. Cette figure, au départ balancée hors du train de l’existence, c’est le visage de pas mal d’entre nous. Le film accroche son histoire sur le terreau social d’une société qui divise en deux les individus. Ce sont ceux possédant un travail et les autres, les exclus. Nous retrouvons le même génie de la manipulation que chez Chabrol où la vérité éclate et nous force à regarder le fond de notre âme. Ce que nous avons accepté de nier tout d’un coup explose. Ces petits riens innocents, un appartement occupé, des coupures de courant en se glissant, la nuit, dans la vie d’une autre, une sexualité sauvage, une mère, etc. Peu à peu, Constance dévoile sa nature profonde, monstrueuse.
La première question que se pose le spectateur est « à partir de quand tout bascule-t-il ? » Cette âme noire gisait-elle, en sommeil, comme une Belle au bois dormant au fond de cette jeune fille dès le début ? Est-ce la vie et ses coups bas qui la transforment ? Chacun possède sa réponse suivant son parcours existentiel. Constance, au départ, est une femme perdue qui s’accroche au premier inconnu, à sa jeunesse perdue. Puis nous nous apercevons qu’elle se glisse dans la vie d’Audrey. C’est la jeune fille engagée à son ancien poste. Le film bascule sur l’aspect générationnel. Constance semble vouloir retrouver une nouvelle jeunesse, pensant reprendre pied dans la vie. Elle se lie même d’amitié avec la pauvrette, lui suggérant de rejoindre son amoureux ailleurs. C’est normal, Constance veut juste reprendre sa place. La fin nous livre une autre version, perversion plus subtile que celle déjà vue dans d’autres films. Nous pensons à JF partagerait appartement de Barbet Schroeder, Harry un ami qui vous veut du bien de Dominik Moll, Anna dans M. de Michel Spinoza, et à bien d’autres.
C’est le jeu de miroir, d’intentions esquissées, de glissements troubles où le regard se perd. Sébastien Marnier nous balade sur la route des codes du genre pour mieux nous égarer. Marina Foïs trouve un rôle parfait pour montrer toute la démesure de son talent, dans un jeu nuancé où l’apparence nous joue des tours. Ce premier coup de maitre annonce la naissance d’un réalisateur qui, s’il persiste dans cette voie, risque encore de nous surprendre.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Irréprochable
Réalisation : Sébastien Marnier
Scénario : Sébastien Marnier
Musique : Zombie Zombie, Pascal Mayer et Steve Bouyer
Montage : Laurence Bawedin
Photographie : Laurent Brunet
Décors : Mathieu Menut
Costumes : Marité Coutard
Producteur : Caroline Bonmarchand
Production : Avenue B Productions
Coproduction : Orange studio
Distribution : Memento Films Distribution
Pays d'origine : Drapeau de la France France
Durée : 103 minutes
Genre : Thriller
Dates de sortie : 6 juillet 2016
Distribution
Marina Foïs : Constance
Jérémie Elkaïm : Philippe
Joséphine Japy : Audrey
Benjamin Biolay : Gilles
Jean-Luc Vincent : Alain
Jeanne Rosa : Nathalie
Véronique Ruggia Saura : l'avocate