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affiche Il Varco

Il Varco

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Un film de Michele Manzolini, Federico Ferrone,
Avec anonymes,

Genre : Documentaire
Durée : 1h10
Italie

En Bref

« C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. »  Le Dormeur du Val Arthur Rimbaud.

 Un train traverse la campagne italienne et une bonne partie de l’Europe pour rejoindre les plaines de l’Ukraine sur le front russe.

Il Varco commence par des images intemporelles, un conte d’autrefois, pour ouvrir le passage vers hier. Les images en noir et blanc défilent comme le train qui emporte ces jeunes soldats italiens pour la dernière guerre promise par l’Allemagne. La paix s’installera définitivement sur l’Europe, sans doute pour mille ans. La voix du jeune soldat raconte ce long cheminement, avec en arrière-fond la Campagne d’Afrique en Éthiopie et le visage d’Isa. Le temps se délie comme la parole pour raconter une histoire en écho au miroir du présent. Il nous dit que toutes les guerres se ressemblent dans le chaos des âmes. Dans le train, un supérieur, vulgaire de  par son arrogance, baigne dans l’ignorance des gens qui savent. D’autres jeunes soldats embarquent pour ce voyage vers l’ailleurs.


En Roumanie on fait la fête, accueillis en vainqueurs. Ils dorment sur des paillasses, quel bonheur ! Le jeune soldat s’essaie à la langue de sa mère russe, deux conceptions du monde, passage. Les plaines de l’Ukraine, terre maternelle, découverte pour la première fois. Ce paysage muet devrait lui murmurer l’âme de la Mama. Dans ce décor chaotique s’installe le silence d’une comédie de Dante. Des visages multiples, des étoiles jaunes sur les vêtements, des femmes quémandent un rien pour survivre à tout. On semble hors du monde et du temps dans un enfer de Dante, loin de la Divine Comédie. « Comment peut-on diriger un si grand pays ? » s’interroge le jeune soldat. Il s’accroche à des souvenirs d’une autre campagne, d’un autre pays qui l’a meurtri. Un prisonnier de l’Armée rouge lui dit que des fantômes hantent la nuit comme dans les contes de sa mère. Un homme un peu fou lui parle de massacres de masse dans les forêts, des juifs. Une foule de femmes passe, portant le cercueil d’un enfant. « Personne ne parle, "personne ne chante, personne ne pleure »

La deuxième partie laisse place à l’insouciance, l’espérance, la nostalgie de l’Éthiopie, et la folie de la guerre. « Les puits que j’avais creusés là-bas avaient avalé ma vie, d’abord les rêves, puis la veille, et enfin Isa. » À la fin, dans le tourbillon de l’hiver furieux, même son russe ne le rapprochera plus de personne. Il n’a plus qu’une idée, franchir le Don et se perdre, soldat déserteur. « J’ai la santé d’un homme sain sur le point de se noyer ». La guerre, hier comme aujourd’hui, n’épargne personne et ne laisse que des lambeaux dans le cœur des humains. Le montage ressemble à la pensée de ce jeune soldat, les images finissent par se décomposer à leur tour dans le noir et blanc des vautours sur la carcasse de nos folies. On pense à Crosswind : La Croisée des vents de Martti Helde (2014), la même poésie pour dire non à la guerre, au génocide, à l’oubli.

Des images floues, comme noyées dans la tempête de neige, apparaissent comme des têtes de chapitre, scandant l’inutilité de croire à la paix. Elles racontent un conte où le diable se joue des hommes. Tout à coup, le documentaire prend des allures de fiction, soutenu par des images vraies, parfois insoutenables, parfois insouciantes, parfois marquées par le temps. Il Varco est une histoire fictive construite à partir de journaux intimes de jeunes soldats italiens dont Mario Rigoni. Il mélange les souvenirs d’un autre temps, photos des boites en carton de nos parents, celles de la guerre fracassante dans ce noir et blanc où bien et mal finiront par devenir gris. À la fin, il ne reste que les blés au-delà du pont sur l’autre rive du Don.

« Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. » Le Dormeur du Val Arthur Rimbaud.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
Support vidéo :
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Edition :


Titre original : Il varco

Réalisation : Michele Manzolini, Federico Ferrone

Scénario : Michele Manzolini, Federico Ferrone, Wu Ming

Image : Andrea Vaccari

Montage : Maria Fantastica Valmori

Musique : Simonluca Laitempergher

Production : Kiné, Home Movies – Archivio Nazionale del Film di Famiglia, Istituto Luce Cinecitta, Rai Cinema, Emilia-Romagna Film Commission

Distribution : Istituto Luce Cinecittà