Dehors, la neige couvre d’un manteau immaculé la terre et le fleuve, brisant les frontières. Dans la chambre, le poète attend le retour de son passé dans le silence d’un matin calme. Deux silhouettes noires se détachent sur la neige. Deux jeunes femmes marchent dans le vide du temps qui s’égrène entre hier et aujourd’hui. Elles parlent d’amour brisé, de promesse d’un prochain soleil radieux sur la campagne de leur cœur. Deux amies réunies dans l’instant d’un soupir, l’une console l’autre. Le poète retrouve ses deux fils, bien longtemps après avoir fui le foyer. Pourquoi ces retrouvailles subites ? Le temps serait-il compté, le désir de réparer la faute, d’expliquer la séparation violente tarauderait-il le vieillard ? Tout se joue dans cet instant hivernal, quand le temps disparaît, balaie les souvenirs, compte les battements du cœur aux parcelles d’éternité. Est-ce un songe, un conte, un long poème ? Tout cela défile devant nos yeux et bien plus encore. C’est la vie, tout simplement, fragile à l’approche de l’hiver.
Le cinéma de Hong Sang-soo est marqué par de nombreux cinéastes comme Yasujiro Ozu, Robert Bresson, Éric Rohmer, Luis Buñuel, Jean Vigo, Friedrich Wilhelm Murnau. Le réalisateur construit sa propre narration à partir de ces influences. Cela donne un long poème sur la vie, l’amour et la mort qui approche. Tous ces réalisateurs nous parlent des cœurs qui battent dans la fragilité du temps qui passe. C’est la promesse de saisir l’instant présent, ici et maintenant. La poésie, l’onirisme et parfois le surréalisme imprègnent leurs films. Personne ne connaît l’issue du film, encore moins le réalisateur. Il s’ébauche et se nourrit de sa propre lecture.
Cela demande une extrême concentration des acteurs et des techniciens. Elle se ressent et donne un style particulier. La partition se bâtit pas à pas au fur et à mesure du tournage sur une trame simple. Nous sentons la fragilité de l’être accroché à ses désirs, petite étincelle d’amour qu’il attise pour ne pas qu’elle meure. On s’ébahit de la beauté des demoiselles. Les dialogues possèdent la profondeur du philosophe et la légèreté du poète touchant à l’âme du monde. On déroule le sentiment amoureux à travers les conversations, entre promesses et blessures. On parle, comme souvent chez Hong Sang-soo, de la création, du cinéma, de l’amour. La neige tombe à l’extérieur, légère et fugace, bel éphémère noyé dans le cœur de la terre. Hôtel by the River devient un long poème sur la vie, à l’aube de la mort. Il se médite, se nourrit de nos propres résonnances pour nous emporter ailleurs.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Gangbyun Hotel
Réalisation : Hong Sang-soo
Scénario : Hong Sang-soo
Photographie : Kim Hyung-ku
Montage : Son Yeon-ji
Musique : Dalpalan
Producteur : Hong Sang-soo
Société de production : Jeonwonsa
Sociétés de distribution : Les Acacias
Pays d'origine : Corée du Sud
Langue originale : coréen
Format : couleur
Genre : Drame
Durée : 96 minutes
Dates de sortie : 29 juillet 2020
Distribution
Ki Joo-bong : Ko Young-hwan
Kim Min-hee : A-Reum
Kwon Hae-hyo : Kyung-soo
Yoo Joon-sang : Byung-soo
Song Seon-mi : Yeon-joo