Tony Lip, agent de sécurité au Copacabana est au chômage technique pour une paire de mois. Italo-américain, homme sincère et entier, il trouve une place comme chauffeur d’un musicien de jazz afro-américain, Don Shirley. Différence de classes, de cultures, Tony est un homme du peuple, bon vivant aux réactions parfois percutantes. Don Shirley est tout le contraire, musicien cultivé, habitant le Madison square Garden. Tout les oppose, on se demande comment le musicien arrête son choix sur Tony. Est-ce le besoin d’un garde du corps en plus d’un chauffeur ? On imagine que cette balade dans le sud profond ne sera pas de tout repos pour l’un ni pour l’autre. Don Shirley est parfois contraint de loger dans des hôtels minables avec pour tout guide le The Negro Motorist Green Book. Peu à peu, un lien se tisse entre les deux hommes. Ils apprennent à partager leurs différences pour en faire une force. Tony apprendra que tout ne se règle pas à coups de poing et qu’il ne faut pas jeter ses ordures par la vitre. Don Shirley découvre le plaisir des choses simples et le sens de la famille pour un homme solitaire. Dans cette Amérique en pleine tourmente des droits civiques, ils annoncent déjà l’idéal utopique d’un monde meilleur, sans couleur et sans douleur.
Peter Farrelly s’inspire de l’histoire vraie de Frank Anthony Vallelonga qui deviendra acteur et écrira son autobiographie intitulée Shut up and Eat. Il joue souvent les mafieux, son rôle le plus célèbre reste celui de Carmine Lupertazzi dans la série The Sopranos. Don Shirley est un compositeur, pianiste de jazz, né le 29 janvier 1927 à Pensacola en Floride et mort en avril 2013 à Manhattan. Ce petit bijou de cinéma est une belle surprise pour deux raisons. Il nous entraine une fois de plus sur le chemin de nos différences partagées et du vivre ensemble. Il nous dévoile un Peter Farrelly qui nous habituait plus à des comédies trash avec son frère comme Dumber and Dumber, Mary à tout prix, Fous d’Irène. L’humour n’est pas absent du récit mais plutôt dans le second degré et les quiproquos soulevés plus par les différences de classes que de couleurs. Il le doit à ses deux acteurs exceptionnels, Viggo Mortensen, toujours excellent, et Mahershala Ali, superbe, sacré meilleur acteur dans un second rôle aux Golden Globes 2019. Derrière le racisme du sud profond se glisse une seconde thématique sur la différence de classes.
C’est avec subtilité que le film explore deux univers, celui d’un homme aux plaisirs simples et d’un dandy cultivé. Tony découvre une musique qu’il apprécie, le pouvoir des mots, écrire des lettres d’amour dans lesquelles son cœur peut se mettre à nu. Don Shirley, le sens de l’amitié, la famille et les plaisirs simples comme le poulet grillé. Une fois de plus, le chemin devient plus important que le but final. Ce dernier imprime dans le cœur des deux hommes des liens et une complicité marquant l’aboutissement de tout ce voyage initiatique. Ils auront grandi sur la route de la vie, dépassant les a priori du début pour mieux partager ensemble le bonheur. C’est au cœur des motels perdus, dernière station pour les oubliés de cette Amérique discriminatoire, champs de coton aux perles noires courbées par la tâche, c’est dans ce sud de la douleur que Don Shirley comprend le poids de la couleur de sa peau. Tony apprendra que tout ne se règle pas à coups de poing, que les mots et les actes pacifiques peuvent faire mouche.
La mise scène, tout en finesse, joue à la fois de l’ombre et la lumière, routes du Sud croulant sous le soleil de plomb, pluie battante la nuit avec les phares d’une voiture de police pour éclairage. Nous pensons à un autre chef d’œuvre, Dans la chaleur de la nuit, de Norman Jewison. Nous retrouvons le même sens de l’utilisation du paysage et de l’ombre et la lumière. Pour nous, Green Book rejoint ces grands films à ne pas manquer, qui nous grandissent et nous apprennent à regarder le monde autrement. Que ce soit sur le partage de nos différences, de classes, de couleurs ou sur la grande thématique du cinéma américain, la famille. La fin joue avec subtilité de celle-ci à travers l’incontournable moment de Noël.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Des performances exceptionnelles
Une amitié inoubliable
Le Livre Vert
Titre original : Green Book
Titre français : Green Book : Sur les routes du sud
Réalisation : Peter Farrelly
Scénario : Nick Vallelonga, Brian Hayes Currie et Peter Farrelly
Direction artistique : Scott Plauche
Décors : Tim Galvin
Costumes : Betsy Heimann
Photographie : Sean Porter
Montage : Patrick J. Don Vito
Musique : Kris Bowers
Production : Jim Burke, Brian Hayes Currie, Peter Farrelly, Nick Vallelonga et Charles B. Wessler
Producteurs délégués : Steven Farneth, Kwame Parker, John Sloss et Octavia Spencer
Sociétés de production : Amblin Partners, Participant Media, Conundrum Entertainment et Cinetic Media
Sociétés de distribution : Universal Pictures (États-Unis), Metropolitan Filmexport (France)
Budget : n/a
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur - 2.00:1
Genre : comédie dramatique, biopic
Durée : 130 minutes
Dates de sortie : 23 janvier 2019
Distribution
Viggo Mortensen (VF : Bernard Gabay ; VQ : Pierre Auger) : Tony Lip
Mahershala Ali (VF : Daniel Lobé ; VQ : Daniel Picard) : Don Shirley
Linda Cardellini (VF : Déborah Perret ; VQ : Julie Burroughs) : Dolores Lip
Dimeter Marinov : Oleg
Mike Hatton : George
Iqbal Theba : Amit
Sebastian Maniscalco : Johnny Venere
P.J. Byrne : le producteur exécutif
Montrel Miller : le serveur
Tom Virtue : Morgan Anderson
Randal Gonzalez : Gorman
Distinctions
Festival international du film de Toronto 2018 : prix du public
Golden Globes 2019 :
Meilleur film musical ou comédie
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur scénario pour Peter Farrelly, Brian Hayes Currie et Nick Vallelonga