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affiche Frantz

Frantz

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Un film de François Ozon ,
Avec Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h54
France

En Bref

« Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon cœur

D'une langueur

Monotone. »

Quelque part en Allemagne, une tombe. Nous sommes en 1919. La chanson des canons est morte depuis longtemps, résonne dans le petit cimetière le frémissement du vent dans les feuilles. Un bouquet de fleurs posé sur un silence, un souvenir accroche, un nom sur une croix, Frantz. Quelle ombre demande pardon ou se recueille, fantôme perdu qui n’est ni de la famille ni, nous l’apprendrons plus tard, allemand. Adrien, jeune garçon au corps squelettique, oscille entre la mort et la vie. Que vient-il chercher derrière les champs meurtris de son pays, chez l’ennemi, le pardon, la trace d’une amitié interdite, d’un amour ou d’un ami broyé par le mensonge de cette guerre ? Anna, la jeune fiancée meurtrie d’une vie que ne verra jamais le jour, découvre cette ombre un soir chez les parents de Frantz, son amour perdu. Un ami d’hier, d’avant la guerre, une histoire de vérité et de mensonge pousse comme la graine sur les champs de blé éventrés.

Adrien prend peu à peu la place de ce fils qui ne reviendra plus que dans les mémoires. Ils avaient les mêmes goûts, les mêmes ambitions pour la vie et comme le dira le père un soir à la taverne, « C’est nous les fautifs, nous sommes des pères qui boivent à la mort de leurs enfants. » En France ou ailleurs, pour tous les morts de cette guerre, la faute est la même pour tous. Un beau soir, Adrien, après avoir pris un temps la place du fils, redonné de la lumière et de l’espoir dans le cœur des parents, disparaît. Anna recevra quelques lettres, quelques mots de bonheur pour effacer la douleur. Poussée par les parents qui espéraient un autre fils, elle part en quête d’Adrien, espérant ramener l’enfant égaré au foyer. Elle ignore encore que cette route où le printemps tarde à poser sa corolle de fleurs ensoleillées sur le champ des morts la changera profondément et pour toujours.


« Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure »

Frantz est bien plus qu’un film sur la vérité et le mensonge, thématique revenant souvent chez François Ozon. C’est un hymne à la vie quand la guerre a jeté l’ombre du désespoir et de la douleur sur les cœurs. C’est d’abord une pièce du fils d’Edmond Rostand, Maurice,  L’homme que j’ai tué, un plaidoyer pacifiste écrit après-guerre en pensant « plus jamais cela »… Ernst Lubitsch en 1932 réalise d’après celle-ci son unique drame tourné à Hollywood (Broken Lullaby) avec Lionel Barrymore et Phillips Holmes. François Ozon reprend l’idée du récit en choisissant de développer le personnage d’Anna. C’est du point de vue de la jeune fiancée que nous découvrons et explorons le récit. Dans la première partie se joue le retour à la vie pour chacun des personnages, à travers la route du mensonge. Ce dernier parcourt le film et pour une fois, ne conduit pas au drame mais à la renaissance et au retour de la vie.

L’action d’ailleurs, sans vraiment le dire, se situe aux portes du printemps. L’arrivée d’Adrien apporte la joie et le bonheur, ce jeune homme fantôme n’est pas le messager de mauvais augure, mais celui qui réveille les temps anciens du bonheur. Est-ce un mensonge ou une vérité, qu’est-ce qui liait Frantz et Adrien ? Une amitié d’avant-guerre réunie sous les mêmes envies de dévorer la vie ? Mensonge, ce tableau de Manet d’un jeune homme au visage pâle que finira par découvrir Anna ? Est-ce une allégorie à cette guerre suicidaire qui broyait l'innocence sous le hurlement des canons et l'odeur de la boue ? Quand le printemps reviendra, il ne restera que des ossements où gémir.  Elle imaginait un jeune homme fragile comme l’ami revenu, mais c’est autre chose qui éclate dans son cœur, vérité blessante. Anna,  à la fin dira à un visiteur, au musée : « Vous aimez aussi ce tableau ? Il me donne envie de vivre ». Dans cette phrase finale, tout est dit, d’hier et des espoirs d’aujourd’hui. Tout est métaphore dans Frantz, le noir et blanc à la fois le passé et la fin  des champs éclatés sous la fureur des canons.

Le bonheur, imaginaire ou vécu, se traduit par la couleur vive et rayonnante. La scène centrale aux couleurs délavées, fantomatiques, marque le passage de la quête du pardon à  celle de la rédemption. Adrien vient du pays des morts pour retrouver la vie. Anna parcourt les enfers, dort dans un vieux clandé pour trouver, au bout du tunnel, la lumière de la vie. Elle s’émancipera des fantômes, Pythie porteuse du printemps qui chante dans les arbres et les ruisseaux, elle annonce le renouveau. Dans ces territoires où la graine du mensonge plante l’arbre de vie, elle peut enfin, le bonheur planté dans les cœurs, ouvrir les portes de sa propre existence.

Elle n’a plus à être la fiancée perdue, éplorée, la fille de vieillards aux portes de la tombe, elle peut devenir son propre chant. La musique est peu présente et souvent le spectateur entend le chant d’un ruisseau, des feuilles brassées dans les ramures. Métaphore de la vie perdue qui reprend ses droits et effacera les gueules cassées qu’elle croise, qu’un baiser apaise. Nous faisons référence à cette scène où un jeune homme  défiguré embrasse sa bien-aimée. Mensonge ou vérité ? N'ayez pas peur de rendre les autres heureux. Le mensonge vaut bien la vérité quand il cicatrise les cœurs et ouvre la cage du chant de l’éternel amour.

Patrick Van langhenhoven

« Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte. »

Verlaine - Poèmes saturniens

Note du support : n/a
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D’où est venu le désir de réaliser FRANTZ ?
Dans une époque obsédée par la vérité et la transparence, je
cherchais depuis longtemps à faire un film sur le mensonge.
En tant qu’élève et admirateur d’Eric Rohmer, j’ai toujours
trouvé les mensonges très excitants à raconter et à filmer.
Je réfléchissais donc autour de cette thématique quand un
ami m’a parlé d’une pièce de théâtre de Maurice Rostand,
écrite juste après la Première Guerre mondiale.
En me renseignant un peu plus sur cette pièce, j’apprends
qu’elle a été adaptée au cinéma en 1931 par Lubitsch sous le
titre BROKEN LULLABY. Ma première réaction a été de
laisser tomber. Comment passer après Lubitsch ?!

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
La vision du film de Lubitsch m’a rassuré, car il est très proche
de la pièce et adopte le même point de vue, celui du jeune
Français. Mon désir au contraire était d’être du point de vue
de la jeune fille, qui comme le spectateur ne sait pas pourquoi
ce Français vient sur la tombe de son fiancé. Dans la pièce et
le film, nous savons dès le début son secret, après une longue
scène de confession auprès d’un prêtre. Finalement ce qui
m’intéressait, c’était plus le mensonge que la culpabilité.
Le film de Lubitsch est magnifique, à revoir dans le contexte
pacifiste et idéaliste de l’après-guerre. J’ai d’ailleurs gardé
certaines scènes qu’il a créées en adaptant la pièce. C’est son
film le plus méconnu, son unique film dramatique – et aussi
son plus gros échec. Sa mise en scène est comme d’habitude
admirable et pleine d’inventivité mais en même temps, c’est le
film d’un cinéaste américain, d’origine allemande, qui ne sait
pas qu’une Seconde Guerre mondiale se profile et qui veut
faire un film optimiste de réconciliation. La guerre de 14-18
avait été un tel massacre que beaucoup de voix politiques
et artistiques, aussi bien en France qu’en Allemagne s’étaient
élevées pour défendre un idéal pacifiste : « Plus jamais ça ».
Mon point de vue en tant que Français, n’ayant connu
aucune des deux guerres, allait forcément être différent.
Vous avez donc rajouté toute une seconde partie à l’histoire
originale.

Dans la pièce et le film de Lubitsch, le mensonge n’est pas
révélé aux parents, le Français est accepté dans la famille, il
prend la place du mort, il joue du violon pour eux et tout se
termine bien.
Dans mon film, Adrien essaye aussi de s’intégrer à la famille
mais à un moment, le mensonge et la culpabilité sont trop
forts et il révèle tout à Anna. Et contrairement au film de
Lubitsch, Anna ne peut l’accepter qu’à la suite d’un long
parcours initiatique. D’où cette seconde partie, qui s’ouvre
sur le départ d’Adrien et la dépression d’Anna.
Contrairement aux mélos classiques, Adrien ne tombe pas
amoureux d’Anna. En tout cas, il n’est pas prêt à l’assumer…
Anna et Adrien partagent la mort de Frantz, mais peuvent-ils
pour autant partager des sentiments amoureux ? Elle le pense
dans un premier temps, puis face à la vérité, cela lui semble
impossible. Finalement, elle finit par y croire à nouveau,
jusqu’à ce qu’elle se retrouve face une autre réalité en France.
Ce qui est beau chez Anna, c’est son aveuglement, elle sait ce
qu’a fait Adrien, mais sa vraie souffrance est de ne pas assumer
son désir pour lui – et finalement elle part le rejoindre, veut
croire à leur amour malgré tout. Adrien en revanche ne sait
pas où est son désir. J’avais envie de jouer sur des thématiques
classiques du mélodrame comme l’idée de la culpabilité et
du pardon pour ensuite bifurquer sur une désynchronisation
des sentiments.

À force de s’inventer une amitié avec lui, on se dit qu’Adrien
apprivoise une forme de désir pour Frantz…
Comme Anna le dit à la mère d’Adrien : « Ce n’est pas moi qui
tourmente votre fils, madame, c’est Frantz. » Frantz, en tant que
soldat allemand, mais aussi en tant que double de lui-même, en tant
qu’ami ou amant potentiel…
« N’ayez pas peur de nous rendre heureux », dit la mère à
Adrien avant qu’il ne commence à jouer du violon…
Les parents ont un tel désir d’accueillir Adrien, de croire à
cette fiction d’amitié franco-allemande, à la possibilité qu’il
puisse prendre la place de leur fils disparu, qu’ils acceptent
inconsciemment le mensonge. Tout se joue sur un malentendu
auquel Adrien s’abandonne. Et c’est une manière pour lui
d’apprendre à connaître Frantz, de leur faire du bien à eux
et à lui-même. Un mensonge réparateur. Ce qui est fréquent
dans toutes les histoires du deuil : on prend du plaisir et on a
besoin de reparler de la personne disparue tout en l’idéalisant.

Pour Adrien, leur procurer ce plaisir est une manière aussi de

calmer pour un instant sa propre culpabilité.

    Titre original : Frantz

    Réalisation : François Ozon

    Scénario : François Ozon

    Collaboration au scénario : Philippe Piazzo 4

    Direction artistique : Michel Barthélémy

    Décors : Catherine Jarrier-Prieur

    Costumes : Pascaline Chavanne

    Photographie : Pascal Marti

    Son : Martin Boissau

    Montage : Laure Gardette

    Musique : Philippe Rombi

    Production : Éric Altmayer et Nicolas Altmayer

    Sociétés de production : Mandarin Production ; X-Filme Creative Pool (coproduction)

    Sociétés de distribution : Mars Films (France), X-Verleih AG (Allemagne)

    Pays d'origine :  France, Allemagne

    Langues originales : français et allemand

    Format : noir et blanc (Quelques scènes en couleurs)

    Genre : drame

    Durée : 113 minutes

    Dates de sortie : 7 septembre 2016

Distribution

     Paula Beer : Anna

    Pierre Niney : Adrien

    Ernst Stötzner : Doktor Hoffmeister, Hans, père de Frantz

    Marie Gruber : Magda, l'épouse de de Hans, mère de Frantz

    Cyrielle Clair : la mère d'Adrien

    Johann von Bülow : Kreutz, le prétendant nationaliste d'Anna

    Alice de Lencquesaing : Fanny, la promise d'Adrien

    Anton von Lucke : Frantz