C’est l’histoire d’amour d’une jeune femme derrière les barreaux et d’un homme libre, enfermé dans son âme. La mangeuse de cœurs perdus se retrouve en cage dans le zoo de la détresse humaine. Les affaires de cœur finissent parfois mal, quand le sentiment profond cache un horizon plus sombre. On ne se moque pas impunément de Cupidon sans que la note ne soit salée. Elle connaît ses atouts, sorcière, fille du diable, elle sait tisser sa toile d'araignée. Il ne lui faudra pas longtemps pour trouver un paumé du petit matin au cœur désagrégé. Très vite, au jeu de la séduction, elle comprend qu’il suffit d’appuyer sur la gâchette pour plomber le pigeon.
Lilith venue des enfers, elle vous mettra aux fers. Même les plus malins, les plus intelligents, les braves types, tous tombent dans la nasse. La ritournelle s'élance, danse dans la lumière du parloir, on y croit. Pour le directeur de la prison, c'est l'amour qui frappe à son cœur, la danse des âmes. Il oublie juste que, dans cette romance, il faut être deux sinon il y en a un qui se fait baiser. Cette histoire finira mal, on le sait dès le premier pas, la sincérité, l'élan, la virginité de l'âme croquée par la diablesse. Elle ne laissera qu'un goût de cendres et un paumé du petit matin, perdu dans les brumes de l'existence. Et si nous nous trompions, si pour la première fois elle était sincère ?
Le réalisateur Pierre Godeau s’inspire de l’histoire d’amour entre le directeur de la prison et la relation avec une de ses détenues, connue pour être l’appât du gang des barbares. Il ne garde que la relation amoureuse pour poser plusieurs questions. C'est quoi tomber amoureux ? Est-ce aimer l'idée de tomber amoureux ? De braver l’interdit ? Qui aime qui et pour quoi? On se demande bien si elle joue l'éternelle séductrice, profite de son charme pour hypnotiser sa proie. Peut-être qu’elle est sincère. Son cœur bat la chamade pour la première fois, pour une bonne raison. L’enjeu du film se trouve dans cette opposition, manipulation ou vraie histoire d’amour, perversion ou noblesse des sentiments. Les prisonnières étudieront comme un écho à cette question, la pièce Phèdre de Racine.
C’est un jeu subtil de tentation, veuve noire, vamp, ces Lilith au cœur noir qui vous ensorcellent, vous entortillent dans leur toile. C’est une danse des sentiments quand ils s’emballent et s’envolent pour atteindre les arcs-en-ciel du bonheur, ce petit paradis des cœurs fous. Sauf que le sentiment semble absent du jeu. Il devrait nous emporter, nous faire douter, basculer. On imagine très tôt le jeu de la manœuvre et le récit perd une grande partie de son intérêt. Derrière cette histoire devrait se cacher une romance, un Roméo et Juliette en prison. Une histoire d'amour impossible, est vouée à mourir dans les brisants du soleil levant. Le spectateur perd la tête, s’égare dans la romance, croit, doute, oublie. Il est pris à son tour dans le piège.
Au départ, même si l’histoire s’écarte du gang des barbares, elle influence notre jugement et la sincérité de son sentiment. Nous imaginons qu'elle joue l'éternelle séductrice profitant de son charme pour hypnotiser sa proie. L'actrice joue plus la kaïra que la vamp. Il manque dans son jeu tout l'art de la séduction, le jeu des premiers pas quand le cœur frémit. C'est sans doute voulu pour que le spectateur doute de ses intentions. Il manque l'essentiel, le sentiment amoureux pour un récit où il représente le principal élément. Des bonnes idées reviennent comme un écho à leur histoire, l’incompréhension de la mère et la fille, la chanson de Guy Béart L'eau vive, la télé-réalité.
Nous comprenons le fonctionnement de l'affaire que dévoile l'enquête de la fin. Si je suis arrivé à ce poste, c'est grâce à mon sens de l'autorité et de la psychologie dira le directeur. Éperdument trouve son sens et son intérêt dans sa dernière partie. La séquence de fin est bien trouvée, la fille du directeur danse et en parallèle, se déroule un avortement. Le réalisateur Pierre Godeau touche le fait divers, mais oublie ce qui fait le cœur du film, la romance.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Éperdument
Réalisation : Pierre Godeau
Scénario : Pierre Godeau, d'après l'œuvre de Florent Gonçalves et Catherine Siguret
Musique : Moritz Reich
Montage : Hervé de Luze
Photographie : Muriel Cravatte
Costumes : Judith de Luze
Décors : Stéphane Taillasson
Producteur : Philippe Godeau
Coproducteur : Jacques-Henri et Olivier Bronckart
Producteur délégué : David Giordano
Production : Pan Européenne Production et LGM Productions
Distribution : Studiocanal
Pays d'origine : France
Durée : 110 minutes
Genre : Drame
Dates de sortie :2 mars 2016
Distribution
Guillaume Gallienne : Jean
Adèle Exarchopoulos : Anna
Stéphanie Cléau : Élise
Aliénor Poisson : Louise
Cyrielle Martinez : Zoé
Selma Mansouri : Sonia
Sabila Moussadek : Aïda
Marie Rivière : la mère d'Anna
Maryline Even : la codétenue de Fleury
Marie Berto : Béatrice
Guillaume Marquet : le contrôleur général des prisons
Nade Dieu : le capitaine de police
Anne Loiret : l'avocate d'Anna
Nicolas Beaucaire : le juge d'instruction
Guillaume Viry : l'instituteur de Louise