Yvonne tombe des nues lorsqu’elle apprend que son mari n’était pas le héros qu’elle imaginait. La statue que l’on inaugure sur la place semble tout à coup d’un autre monde. Elle est dépassée, comme les histoires qu’elle raconte à son fils pour l’endormir, enjolivant la réalité. Elle décide sur un coup de tête de suivre le pauvre quidam condamné à cause de son mari. Pendant que la statue intérieure du héros s’effrite, Antoine, l’innocent, décide de se rembourser d’une dette que la société lui doit. Il n’arrive pas à reprendre pied dans sa petite vie ordinaire. Il réclame son solde pour les huit années passées derrière les barreaux. Yvonne, dans l’ombre, essaye de limiter les dégâts et de réparer les torts faits à ce pauvre bougre. Elle a fort à faire pour garder notre quidam dans la ligne droite. On ne peut demeurer éternellement dans l’ombre et leur rencontre risque d’être explosive. Dans ce chaos, les histoires d’amour ont-elles encore leur place ?
Pierre Salvadori utilise des personnages décalés pour aborder, derrière le rire, des thématiques sur notre société. Cette histoire rocambolesque, aux allures surréalistes et oniriques par moment, est une occasion de parler de la culpabilité, de l’image du héros, de la rédemption et du couple. Yvonne pensait que Jean était un homme d’honneur, le bras armé contre le crime et les mauvais bougres. Elle tombe des nues quand elle découvre que c’est tout l’inverse et qu’un innocent paye pour ce coupable. Elle cherche comment rétablir la vérité auprès de son fils, imprégné de l’image du héros de la famille. Les histoires du soir deviennent un peu plus réalistes mais le gamin préfère la version super-héros. C’est l’occasion pour Pierre Salvadori de s’amuser avec les codes du polar dans des visions décalées de l’âge d’or des années soixante. Nous pensons aux films de Belmondo et Henri Verneuil, Peur sur la ville, Le professionnel Georges Lautner, Le Marginal Jacques Deray, aux affiches vintages aujourd’hui. C’est aussi le polar hollywoodien musclé. Cette séquence revient comme une tête de chapitre, marquant à chaque fois le glissement des personnages vers un équilibre utopique.
Le rire s’empare du spectateur pour ne plus le quitter. Il change de forme au cours du récit, plus en subtilité et en profondeur quand apparaît le personnage d’Antoine que la prison transforme. Une partie de son esprit s’en est allée faire un tour de l’autre côté. Il ne peut reprendre le fil de sa vie sans solder les comptes avec la société qui l’a puni pour rien. Deux parties se font écho, en miroir, renvoyant deux figures face à face avec Yvonne au centre et Agnès, la femme d’Antoine. Pour ma part, elles représentent le pivot autour duquel tourne le monde chaotique de cette farce. Dans la partie consacrée à Antoine, le personnage est proche du Pierrot lunaire, dépassé malgré lui. Grâce à Yvonne, tout ce qu’il entreprend s’achève plus dans l’humour que dans la peur et la violence. Dans cette seconde partie, il se rapproche plus du muet, et de Tati. Adèle Haenel, plus habituée aux drames qu’à la comédie, nous offre une prestation pleine d’ironie et de rire, élargissant sa palette d’actrice. L’idée nait d’une phrase de la mère du réalisateur « Les mères font les pères. ».
Il cisèle des dialogues poétiques comme cette séquence de l’instant parfait des retrouvailles. Quand le rêve et l’imaginaire rejoignent la réalité. Agnès rêvait d’un retour à la Ulysse, avec le bruit des pas sur le gravier, l’instant suspendu du bonheur des retrouvailles, comme dans les chansons de Piaf. Antoine efface tout et recommence pour coller à sa vision imaginaire. Ainsi, nos rêves peuvent construire des héros ou rapprocher des amoureux perdus. Il s’amuse même d’une certaine image sado masochiste, corps menottés, gifles, oreille arrachée, épaule démise et l’antre des soirées du marquis de Sade. Il nous offre dans les petites variations secondaires, nombreuses, un tueur en série trimballant avec lui les morceaux de ses victimes dans des sacs plastique. Il revient à plusieurs reprises se livrer à la police trop occupée pour l’écouter. Pierre Salvadori nous entraine toujours avec malice et drôlerie sur des chemins de traverse pour mieux nous tendre le miroir de nos contradictions. Derrière ce chaos du rire se cache aussi une belle comédie romantique.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : En liberté !
Titre international : The Trouble With You1
Réalisation : Pierre Salvadori
Scénario : Pierre Salvadori, Benjamin Charbit et Benoît Graffin
Directeur de la photographie : Julien Poupard
Montage : Isabelle Devinck, Julie Lena et Géraldine Mangenot
Décors : Michel Barthélémy
Costumes : Virginie Montel
Musique : Camille Bazbaz
Producteurs : Philippe Martin et David Thion
Société de production : Les Films Pelléas
Coproduction : La Banque Postale Images, France 2 et SOFICA Manon et Soficinema.
Participation à la production : Canal +
Société de distribution : Memento Films (France) et MK2 (ventes internationales)
Pays d'origine : France
Langue : français
Genre : Film dramatique, Film policier
Durée : 107 minutes
Budget :
Format : couleur
Son : François Maurel, Stéphanie Thiébaut, Jean Gargonne
Dates de sortie : 14 mai 2018 (Quinzaine des réalisateurs) 31 octobre 2018
Distribution
Adèle Haenel : Yvonne
Pio Marmaï : Antoine
Vincent Elbaz : Jean Santi
Damien Bonnard : Louis
Audrey Tautou : Agnès
Anthony Ursin :
Norbert Ferrer[réf. nécessaire] :
Jean-Louis Barcelona : le psychopathe
Hocine Choutri : Mariton
Octave Bossuet : Théo