Gustave Kervern et Benoît Delépine, nos Ken Loach hexagonaux, s’attaquent une fois de plus aux travers de la société dans cette fable, conte, réalité objective. Nous avons tous eu maille à partir avec les petits bonheurs du monde connecté. C’est le piratage, le besoin de reconnaissance à travers les réseaux sociaux, les vidéos ou photos compromettantes que l’on souhaiterait voir disparaître et autres petites merveilles ne nous mettant pas en valeur. Dans cette société connectée, le net devient à la fois notre paradis et notre enfer. Nos ethnologues des braves gens  n’hésitent pas à mouiller la chemise pour explorer la toile et ses méfaits. C’est bien plus marrant dans une vision décalée et une mise en scène débridée frôlant parfois le surréalisme.

Nous nous apercevons que la réalité est bien plus surréaliste que notre imaginaire. Les deux trublions s’inspirent de leur vécu et d’anecdotes de leur entourage pour bâtir une trame d’un monde parfois kafkaïen. Dans leur univers, les braves gens ne savent pas que la vie n’est pas un arc-en-ciel. Vie de couple en lambeaux, travail à l’arraché, nous sommes loin des comédies romantiques. Pourtant Marie, Bertrand et Christine tentent de s’en sortir comme ils peuvent, avec leurs moyens. Gustave Kervern et Benoît Delépine regardent le monde d’aujourd’hui de façon assez juste derrière l’humour vachard. Gilets jaunes, harcèlement, notes, sextapes, petits arrangements avec la vie, cette garce qui sourit aux vainqueurs, comme le chantait Reggiani. Elle ne fait pas de cadeau à ces passants qui ne réclament bien souvent qu’un petit jardin de bonheur au cœur de la tempête.

À la fin, leurs héros ordinaires s’en sortent toujours dans cette lutte du pot de terre contre le pot de fer. Comme toujours, derrière le rire du clown se cache une réalité bien plus pénible. Le festival de Berlin ne s’y est pas trompé en récompensant ce dernier opus par un Ours d’argent spécial. Yolande Moreau, Benoit Poelvoorde et Vincent Lacoste passent faire un petit pied de nez dans cette farce sociale. C’est au tour d’un nouveau trio décapant, Blanche Gardin, Denis Podalydès et Corinne Masiero de rejoindre la grande famille de ces philosophes ironiques mais humanistes. Jamais moralisateurs, à l’image de Diogène et son tonneau, ils nous invitent à réfléchir sur le monde que nous souhaitons.

Patrick Van Langhenhoven

  Titre original : Effacer l'historique

    Titre international : Delete History

    Réalisation et scénario : Gustave Kervern et Benoît Delépine

    Décors : Madphil

    Costumes : Agnès Noden

    Directeur de la photographie : Hugues Poulain

    Montage : Stéphane Elmadjian

    Son : Régis Boussin et Fabien Devillers

    Production : Sylvie Pialat, Benoît Delépine, Gustave Kervern et Benoît Quainon

    Sociétés de production : Les films du Worso, No Money Productions, France 3

    Société de distribution : Ad Vitam Distribution (France)

    Budget : n/a

    Pays d'origine : France

    Langue originale : français

    Format : couleur

    Genre : comédie

    Durée : 106 minutes

    Dates de sortie1 : 26 août 2020

Distribution

     Blanche Gardin : Marie

    Denis Podalydès : Bertrand

    Corinne Masiero : Christine

    Vincent Lacoste : le sextapeur

    Benoît Poelvoorde : le livreur Alimazone

    Bouli Lanners : Dieu

    Vincent Dedienne : le fermier bio

    Philippe Rebbot : la feignasse

    Michel Houellebecq : le client suicidaire

    Clémentine Peyricot : Cathya

    Lucas Mondher : Sylvain

    Jean-Louis Barcelona : le serveur grognon

    Candy Ming : la guichetière de la Poste

    Joseph Dahan : le guichetier de la Poste

    Pierre Gommé : le gamin de la banque

Récompense

    Berlinale 2020 : prix spécial Ours d'argent du 70e anniversaire

 Sélection

    Festival international du film de Transylvanie 2020 : film de clôture