Cézanne et moi
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En Bref
Notre histoire commence sous le soleil de la Provence, à Aix, avec en toile de fond les couleurs de la montagne Sainte Victoire. Deux enfants d’origines différentes, un émigré italien et sa mère, Émile Zola, un bourgeois de la bonne société aixoise, Paul Cézanne. C’est dans la cour de récréation que se forge leur amitié. C’est dans le vent de la garrigue, dans les rues d’Aix qu’elle s’épanouit et monte à Paris, comme les deux adultes. C’est dans le cœur de leur art qu’elle puise son énergie. Les voilà à la capitale, le cœur plein de promesses, l’amitié pour première maitresse et la folie de la jeunesse. Peu à peu, le jeune Zola construit son œuvre, une comédie humaine avec pour cœur les ouvriers, les damnés de Germinal. Paul refuse le destin de banquier pour épouser la peinture, changer un art en pleine révolution avec les impressionnistes.
C’est le temps des révolutions, des salons où la jeune génération jette à bas les vieux dinosaures endormis pour redonner des couleurs et des formes à l’art. Dans cette énergie créatrice, Zola, pas à pas, noircit le papier de mots qui deviendront un cri, un chant éternel. C’est le temps de Germinal, de Nana, des Rougon-Macquart, de L’œuvre. C’est le temps de quitter les chambres de bonnes pour les maisons bourgeoises en oubliant peut-être ses origines, comme le lui reproche Paul. Cézanne peint, mais ne vend rien, le succès tarde, semble oublier le talent trop précoce. Il refuse les compromis, trop en avance sur son temps, il est déjà l’annonce d’une peinture à venir. Picasso dira : « il était notre père à tous. » C’est le temps de la brouille des cœurs trop sensibles pour aimer à moitié, de la séparation et de la douleur. L’œuvre de Zola entre dans l’histoire et voilà que le soleil sur la montagne Sainte Victoire révèle la légende.
C’est cette histoire que Danièle Thompson revisite, pas si loin du film choral, son genre de prédilection. Si elle centre son récit sur les deux artistes et arpente avec eux le chemin de l’amitié et de l’amour, la forme prend des couleurs de film choral par les moments qu’elle saisit dans leur histoire. Le présent et le passé s’interpellent pour évoquer cette amitié profonde qui ne résistera pas au texte de Zola, L’œuvre. Ces deux âmes à nu, l’une silencieuse et retenue, Zola, traduisant par les mots son chemin de douleur, l’autre volubile, exubérante, s’esclaffant dans les couleurs et les formes de sa peinture. Ils annoncent la littérature et la peinture modernes. C’est d’abord un film sur l’amitié, l’amour, les sentiments qu’explore la réalisatrice à travers tous ses films. Elle prend souvent pour témoin des souffrances et bonheurs de notre société plusieurs personnages finissant par trouver le sens de la vie.
Elle se concentre sur deux figures connues pour aborder les mêmes thématiques. Elle suit la voix des cœurs qui se rencontrent, échangent, partagent la même envie, les mêmes désirs et finissent par se fâcher et non se haïr. C’est un moyen d’aborder la société d’aujourd’hui à travers celle d’hier. Cette fin de siècle où l’industrie explose, où apparaissent les figures des grands patrons que dénonce Zola. C’est cette quête de l’instant présent, le ici et maintenant que saisit Cézanne pour l’immortaliser sur la toile. Forcément, avec ces deux-là, la création apparaît dans le décor comme un questionnement évident. Elle n’est pas le cœur du film mais renvoie à celle de la réalisatrice qui bouscule ses habitudes pour nous conter une autre histoire des sentiments. Elle plonge, non pas son pinceau mais sa caméra dans les regards, les couleurs de la Provence de Cézanne et Zola, mais aussi de la ville et des maisons bourgeoises.
C’est la ferveur du café Guerbois, du groupe des Batignolles, ces jeunes peintres d’avant-garde de la fin du XIXe siècle rassemblés autour d’Édouard Manet. Cézanne est un électron libre, trop en avance sur son temps et pour eux. Le film nous invite à relire L’œuvre de Zola. Le roman raconte l’histoire d’un peintre maudit et pourchassé par le destin, incapable d’achever son grand œuvre, inspirée par celle de Cézanne. Le texte à l’origine de la brouille apparaît dans le film plus comme un hommage à un peintre en avance sur son temps que le portrait d’un artiste perdu et maudit. La réalisatrice saisit cet instant d’incompréhension où les deux hommes finissent par ne plus communiquer et se briser le cœur. La dernière scène reste un moment magique de réconciliation qui a peut-être eu lieu dans la réalité. Il faut saluer la composition de Guillaume Gallienne, tout en couleur, qui efface parfois le travail tout aussi impressionnant de Guillaume Canet dans un Zola tout en retenue, en intériorité. Cézanne et moi est une nouvelle pierre à l’œuvre de Danièle Thompson qui ne faiblit pas. Elle nous surprend par ce ton différent qu’elle maitrise, jouant des paysages et de la lumière, tout comme Cézanne.
Patrick Van Langhenhoven
• Titre original : Cézanne et moi
• Réalisation : Danièle Thompson
• Scénario : Danièle Thompson
• Musique : Eric Neveux
• Décors : Michèle Abbé-Vannier
• Costumes : Catherine Leterrier
• Photographie : Jean-Marie Dreujou
• Son : Nicolas Cantin, Alexandre Fleurant, Vincent Arnardi
• Montage : Sylvie Landra
• 1er assistant réalisateur : Denis Bergonhe
• Producteur : Albert Koski
• Société de production déléguée : G Films
• Coproduction : G.Films / Pathé / Orange Studio / France 2 Cinema / U Media / Alter Films
• Société de distribution : Pathé Distribution / Orange Studio Distribution
• Pays d’origine : France
• Langue originale : français
• Format : 2.35
• Genre : Fiction
• Durée : 1h53
• Date de sortie France : 21 septembre 2016
Distribution
• Guillaume Canet : Émile Zola
• Guillaume Gallienne : Paul Cézanne
• Sabine Azéma : Elisabeth Aubert, mère de Paul Cézanne
• Alice Pol : Alexandrine Zola, épouse d'Émile Zola
• Gérard Meylan : Louis Auguste Cézanne, père de Paul Cézanne
• Pierre Yvon : Baptistin
• Lucien Belves : Emile Zola Enfant
• Hugo Fernandez : Paul Cézanne Enfant
• Jérémy Nebot : Baptistin enfant
• Freya Mavor : Jeanne
• Isabelle Candelier : La mère d'Émile Zola
• Déborah François : Hortense Fiquet, épouse de Paul Cézanne
• Nicolas Messica : Paul Cézanne Fils
• Laurent Stocker : Ambroise Vollard
• Félicien Juttner : Guy de Maupassant
• Romain Cottard : Camille Pissarro
• Alexandre Kouchner : Auguste Renoir
• Romain Lancry : Anchille Emperaire
• Nicolas Gob : Edouard Manet
• Christian Hecq : Père Tanguy
• Sophie de Fürst : Berthe
• Corinne Puget : La vendeuse
• Didier Constant : Le vendeur
• Luc Palun : Le maire
