La vie de Mark Hogancamp s’arrête un beau soir dans un bar de son village. Une bande avinée de jeunes fous l’explose comme un bombardier larguant sa cargaison pendant la Seconde Guerre mondiale. La mémoire s’efface, le corps reprend la partie après de nombreux soins. Il se réfugie dans un univers inventé, un petit village belge, Marwen. C’est ici, avec des poupées à l’effigie des amis qui l’entourent, qu’il construit une nouvelle réalité pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ici, à Marwen, que le capitaine Hogie et sa troupe de pin-ups résistent à l’envahisseur nazi. La réalité prend un autre visage et le quotidien, comme Nicol la nouvelle voisine, rejoint son monde imaginaire. Dans celui-ci, il peut aimer, vivre, flanquer la pâtée à une bande de salopards vert-de-gris. La réalité se rappelle à lui avec ce dernier témoignage au procès des bourreaux. Il devra de nouveau leur faire face. Il est peut-être temps pour Hogie de redevenir Hogancamp, mais est-ce si facile d’affronter la réalité ?
Robert Zemeckis affectionne les nouvelles technologies, il n’hésite pas comme dans Bienvenue à Marwen à utiliser leur magie pour son talent de conteur. Depuis Crazy Day, il ne cesse de se remettre en question. C’est ainsi que nous lui devrons Retour vers le futur, Le pôle express, La Légende de Beowulf, The Walk, Forrest Gump, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Apprenti sorcier du cinéma, il joue sans cesse entre le rêve et la réalité. Dès l’ouverture de Bienvenue à Marwen, nous plongeons au cœur de la magie, des poupées confrontées à la violence de la Seconde Guerre mondiale. Nous franchirons le Rubicon pour regagner notre société, à travers l’objectif d’un appareil photo. Nous ne cesserons de faire l’aller-retour entre la vraie vie et cette reconstruction qui aide Mark Hogancamp à tenir debout. La nouvelle voisine qui s’installe rejoint la troupe des femmes qui entourent notre homme pour le protéger des figures de violence en uniforme gris.
Il retrouvera une partie de ses forces et le courage d’affronter ses tourmenteurs en repassant la frontière du pays imaginaire à aujourd’hui. La symbolique de la reconstruction accompagne celle du mini village. C’est dans ses non-dits que Bienvenue à Marwen devient le plus intéressant. Dans ces morceaux cachés, nous lisons entre les lignes cette vie quotidienne, ces mots qu’il ne peut plus prononcer. Il échappe à sa folie en se lançant dans ces aventures trépidantes. La séquence finale représente l’aboutissement d’une quête de l’idéal amoureux. Nous devinons la réponse en reconstituant le puzzle tout au long du récit. Ces morceaux fragmentés comme sa mémoire se rassemblent pour livrer une autre vérité. Le spectateur attentif trouvera ces parcelles qu’il assemblera à son tour. Derrière cette histoire de reconstruction se cache bien plus sur notre confrontation au monde.
C’est un regard profond sur la création. La magie de la photo est un écho à celle du cinéma de Robert Zemeckis. C’est sans doute l’une des raisons qui poussent le réalisateur à s’emparer du sujet. C’est suite à un documentaire, Bienvenue à Marwencol, qu’il entreprend l’écriture du scénario. Comme Mark Hogancamp, c’est dans la fantaisie qu’il nous livre le fond de son âme. C’est à travers ses inventions que nous pouvons mieux le comprendre. Ce sont généralement des figures confrontées à l’impossible, comme lui, avec ses projets repoussant la narration. C’est Seul au monde, Forrest Gump, The Walk. L’autre versant est une plongée dans l’imaginaire, les légendes, les contes bien souvent. Déjà, dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? il nous dit peut-être qu’il n’existe pas de frontière entre le rêve et la réalité. Il a toujours su mêler l’intime au cœur du blockbuster, avec un soupçon de technique qui s’efface au service de l’histoire. Ce magicien nous livre une fois de plus un beau récit à méditer.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Scènes coupées (11'22", VOST) :
- Hogie se bat contre les Nazis
- Benz se réassemble
- Théières
- Petit Hogie surprend Mark
- Mark surprend déjà
- La jeep volante
- Demaryius trouve Mark en train de marcher
- Mark tombe à nouveau sur Kurt
"Les citoyens de Marwen" : rencontre avec les acteurs (3'51", VOST)
"Un réalisateur visionnaire" : portrait de Robert Zemeckis (4'53", VOST)
"La construction de Marwen" : création du monde miniature (4'03", VOST)
"Poupées vivantes" : création des personnages digitaux (4'02", VOST)
Titre original : Welcome to Marwen
Titre français : Bienvenue à Marwen
Titre de travail : The Women of Marwen
Réalisation : Robert Zemeckis
Scénario : Robert Zemeckis et Caroline Thompson, d'après le documentaire Marwencol (en) de Jeff Malmberg
Direction artistique : Chris Beach
Décors : Stefan Dechant
Costumes : Joanna Johnston
Photographie : C. Kim Miles
Montage : Jeremiah O'Driscoll
Musique : Alan Silvestri
Production : Cherylanne Martin, Jack Rapke, Steve Starkey et Robert Zemeckis
Producteurs délégués : Jackie Levine et Jeff Malmberg
Sociétés de production : ImageMovers et Universal Pictures
Sociétés de distribution : Universal Pictures (États-Unis), Universal Pictures International France (France)
Budget : n/a
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : drame, biographie, fantastique
Durée : 116 minutes
Dates de sortie3 : 2 janvier 2019
Distribution
Steve Carell : Mark Hogancamp
Leslie Mann (VF : Brigitte Aubry) : Nicol
Diane Kruger : Deja Thoris
Falk Hentschel (VF : Raphaël Cohen) : le Hauptsturmführer Ludwig Topf
Janelle Monáe : GI Julie
Eiza González (VF : Claire Morin) : Caralala
Gwendoline Christie : Anna
Merritt Wever : Roberta
Neil Jackson : Kurt
Stefanie von Pfetten : Wendy
Leslie Zemeckis : Suzette
Siobhan Williams : Elsa