Voici l’histoire d’une petite Bretonne pleine de bon sens. C’est au cœur de l’arrière-pays que notre future petite bonne prend son envol. Les années passent au cœur de la nature et de la rudesse des champs. Un jour, elle décide de partir pour la capitale et sa tour Eiffel. En chemin, elle croise la route de la marquise et se retrouve nourrice de sa fille Loulotte. Tout se passe bien dans un petit nuage de bonheur jusqu’à l’arrivée d’un marionnettiste particulier. Madame la marquise se lance, sur ses conseils, dans les affaires rocambolesques, ubuesques, jusqu’à tout perdre. C’est la ruine, le personnel se retrouve licencié ainsi que Bécassine, la dernière employée de la maison. La petite Loulotte file droit à la pension. La situation va de mal en pis. Comment se sortir de ce mauvais pas ? C’est sans compter avec l’ingéniosité de Bécassine et un retournement de situation grâce au génie inventif de notre petite bonne.
Bruno Podalydès construit depuis toujours un cinéma farfelu, humaniste et magique. Il n’est donc point étonnant qu’après Rouletabille, il choisit pour son retour dans le passé, Bécassine. La petite bonne Bretonne trouve un réalisateur sur mesure pour conter ses aventures. Il s’émancipe de la bande dessinée pour une version toute personnelle où elle est moins naïve, maternelle, humaniste et plus inventive. La vraie Bécassine tient son nom du terme péjoratif bécasse, une jeune fille ronde, naïve, voire maladroite. Dans la nouvelle version, c’est un vol de bécasses qui lui donne ce surnom. C’est l’idée d’un personnage, comme on le verra par la suite, lié à la nature et l’envol vers la découverte de l’ailleurs. C’est la rédactrice en chef de La semaine de Suzette, Jacqueline Rivière, qui écrit ses premiers récits dessinés par Joseph Pinchon. Elle s’inspire de sa bonne et de ses bévues pour le scénario. À l’origine, il s’agissait initialement de boucher une page blanche due à la défection d’un auteur malade (ou selon une autre version, d’un annonceur publicitaire).
Le dessinateur racontera une autre version, celle de Maurice Languereau le fondateur du journal. Il lui demande en 1904 d’illustrer « l’histoire d’une petite Bretonne à son départ de village pour venir se placer à Paris ». Caumery, pseudonyme de Maurice Languereau, reprendra effectivement le personnage. Il lui donne une psychologie plus dense et son vrai nom, Annaïk Labornez. Pour son costume, le dessinateur s’inspire du folklore amiénois. Elle influence, avec son trait rond, la ligne claire, dont Tintin 25 ans plus tard marque l’apogée. Le générique du film, en forme de jeu d’ombres, est un hommage au théâtre et à la bande dessinée, sans doute. C’est une jeune fille pleine de bon sens, inventrice de petits gadgets pour arranger la vie. Bécassine aborde plusieurs thématiques, la nature et le respect de celle-ci avec la séquence où la petite fille laisse des messages aux animaux. Ils annoncent la chasse de l’oncle, personnage bienveillant et son mentor. Elle plante un arbre, point de repère pour marquer de façon judicieuse le temps qui passe.
C’est un regard sur la fin d’une époque difficile pour les pauvres parents, on tire encore la charrue et les temps modernes qui s’annoncent, l’auto. Le scénario plonge dans le cinéma d’autrefois avec ses péripéties comme les mauvais placements, l’escroc flamboyant admirablement joué par Bruno Podalydès. L’amoureux transi est aussi de la partie sous les traits de Denis Podalydès. Karin Viard nous amuse en composant une comtesse excentrique et son petit chien. Quant à Bécassine, elle prend les traits d’Emeline Bayart, déjà vue dans Adieu Berthe ! et Bancs publics du même réalisateur. Bécassine fut composé pour elle comme le dit Bruno Podalydès. « Elle a un côté à la fois terrestre et gracieux, deux choses qu’on associe rarement, qui me semblaient idéales pour le personnage ». Nous passerons sur la polémique d’un petit groupe de Bretons excessifs qui n’ont pas vu le film et déplorent une mauvaise image de la Bretagne.
C’est plus un esprit régional qui le parcourt avec un bel hommage à la France profonde, proche de la terre et du bon sens. Nous retrouvons le théâtre, et plus particulièrement celui des marionnettes, nous rappelant que nous jouons tous un rôle, hier comme aujourd’hui. Petite histoire farfelue avec ses figures secondaires, comme Josiane Balasko, Vimala Pons, Isabelle Candelier, Philippe Uchan, et Michel Villermoz, l’oncle chasseur. Bécassine est une petite parabole de plaisir sur un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… Il possède à la fois l’aspect désuet d’autrefois et pourtant reste très moderne. Denis Podalydès inverse l'image originale de Bécassine, la bourgeoisie est stupide et la province un coin de paradis.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Bécassine !
Réalisation : Bruno Podalydès
Scénario : Bruno Podalydès, d'après l'œuvre de Caumery et Joseph Pinchon
Photographie : Patrick Blossier
Montage : Christel Dewynter
Costumes : Dorothée Guiraud
Décors : Wouter Zoon
Musique : Carmelo Salemi
Producteur : Clémentine Dabadie
Producteur délégué : Martine Cassinelli
Production : Why Not Productions / Chabraque Productions
Coproduction : France 3 Cinéma
Distribution : UGC Distribution
Pays d’origine : France
Genre : Comédie
Durée : 91 minutes
Dates de sortie : 20 juin 2018
Distribution
Émeline Bayart : Bécassine
Karin Viard : la Marquise de Grand-Air
Maya Compagnie : Loulotte
Denis Podalydès : Adelbert Proey-Minans
Bruno Podalydès : Rastaquoueros
Michel Vuillermoz : Oncle Corentin
Josiane Balasko : Mademoiselle Châtaigne
Isabelle Candelier : Madeleine
Jean-Noël Brouté : Hilarion
Philippe Uchan : Cyprien
Vimala Pons : Marie Quillouch
Claude Perron : Mademoiselle Bongenre
Florence Muller : la mère de Bécassine
Blutch : le père de Bécassine
Dominique Parent : le père Quillouch
Betty Pois : la couturière
Rose Daugenet : Bécassine à six ans
Eowyn Ptak : Bécassine à douze ans
Ethel Glasson : Marie Quillouch à douze ans