En plein Texas, un couple sillonne les routes poussiéreuses, à la recherche d’un lieu où s’arrêter. Manifestement il y a de l’eau dans le gaz. L’homme petit, irritable, semble perdre ses nerfs pendant que sa femme, imposante et tirée à quatre épingles, lui résiste. Il ne faut pas longtemps pour que, excédée, Jasmin descende du véhicule, en plein désert, pour aller trouver refuge toute seule en tirant sa grosse valise à roulettes sur la piste.
Parmi les cadeaux de l’année, voici la reprise de Bagdad Café. Trente ans et pas une ride, si ce n’est qu’au générique, on voit qu’il a été conçu en partie en Allemagne de l’Ouest… La scène d’ouverture évoque immédiatement le cinéma burlesque. Ils sont incongrus les personnages, lui avec ses allures de VRP et affichant un air de monsieur je-sais-tout, elle en tailleur de lainage avec cet impayable chapeau tyrolien, sous 40 degrés environ. Les objets de la voiture aussi ont un air décalé. Rien ne colle. Elle le quitte et nous voilà happés jusqu’à l’arrivée de Jasmin au Bagdad Café. L’histoire ne fait que commencer quand soudain, le feulement si sexy de Jevetta Steele entame sa complainte, tel un coyote hurlant dans l’étendue brûlante qui sert de décor : « I am calling you ». Quiconque a entendu une fois la chanson du film ne l’oubliera plus jamais.
Donc motel improbable, pour ne pas dire pourri, avec une patronne acariâtre, énervée, en lutte, qui se démène pour faire tourner son boui-boui, affligée d’un mari indolent, voire fainéant, et de trop rares clients de passage. Oui mais voilà, l’arrivée de Jasmin semble causer plus de dérangement que de satisfaction. Quoi ? Une chambre ? Pour combien de temps ?
Bagdad Café est une ode à l’amitié vraie, à l’abolition des différences, à la fantaisie comme remède aux vacheries de la vie sans oublier l’amour mais ça on s’en doutait un peu. Brenda, la patronne est aussi noire que Jasmin est caucasienne. L’une est brouillon, foutraque quand l’autre transpire la netteté germanique. Brenda engueule tout le monde parce qu’elle est en colère contre la vie. Dans un petit coin, Rudi Cox, un habitué qui vient chaque jour, s’intéresse à la nouvelle pensionnaire.
Sous des allures de comédie poétique, Percy Adlon compose une fable qui est par ailleurs très féministe. Après tout, ce sont bien les femmes qui font tourner le motel, et c’est la force de la solidarité, de l’amour et de la magie qui font de ce lieu un havre inattendu qui devient l’endroit incontournable du coin.
Bagdad Café, fait penser aux romans de John Fante, et côté cinéma, on pourrait le rapprocher du plus récent Lucky de John Carrol Lynch avec le regretté Harry Dean Stanton.
Si vous étiez trop jeune en 1988, vous avez la chance de pouvoir découvrir ce que vos ainés ne peuvent que revoir !
F Poul
Bonus :
Commentaire audio de Percy Adlon et Marianne Sägebrecht (VOST)
"Visite du Bagdad Café" : retour sur les lieux du tournage (24'20" - VOST)
Le résumé du film par Percy Adlon (20'34" - VOST)
Bande-annonce allemande de la restauration (1'56" - VOST)