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affiche Baccalauréat

Baccalauréat

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Un film de Cristian Mungiu ,
Avec Adrian Titieni, Maria Drăguș,

Genre : Drame psychologique
Durée : 2h08
Royaume-Uni

En Bref

« Quand tu arriveras à Kensington Garden, et que tu te baladeras avec les écureuils autour de toi, notre monde d’ici te paraîtra tellement éloigné… »

C’est le rêve d’un Eden d’un père pour sa fille. Dans un monde où il croyait le bonheur possible, Romeo comprend que si le communisme est mort, rien n’a véritablement changé. L’éveil du pays, le grand bouleversement qu’il espérait avec ses amis, payé au prix de l’exil et de la révolte, est mort. L’avenir appartient aux jeunes qui désormais porteront le flambeau du changement ici ou ailleurs. Il ne lui reste que sa fille Eliza, et deux femmes pour croire en demain, sa femme Magda qui s’efface avec le temps et Sandra, sa maitresse.

Cette dernière voudrait bien qu’il prenne enfin une vraie décision et choisisse un foyer où construire le futur. Romeo, comme le pays, est perdu entre hier et demain et il ne sait où poser sa valise. C’est le temps du baccalauréat, moment important pour sa fille qui pourra, grâce à de bonnes notes, obtenir une bourse pour étudier à l’étranger. Ailleurs c’est toujours mieux qu’ici, les soleils et les espoirs sont toujours plus beaux. Victime d’une agression, elle risque de compromettre sa seule chance de quitter un monde errant pour l’Eldorado. Romeo s’interroge. Pour la première fois, il va devoir franchir le pas et faire fi de ses idées. Lui qui refuse de rentrer dans le système de corruption et de tractations entre amis, pousse une porte qui le mène dans les sombres recoins de sa dignité et d’un pays meurtri. Pour l’amour de sa fille, il franchit le Rubicon et entre en enfer pour atteindre le paradis. Il ne sait pas que ce premier pas bousculera complètement sa petite existence et que l’heure des choix et des reniements ne se fera pas facilement et sans prix à payer.


Prix de la mise en scène à Cannes Cristian Mungiu nous avais déjà étonné avec ses précédents films, 4 mois, 3 semaines, 2 jours, Contes de l’âge d’or et Au-delà des collines. Il impose un style de longs plans-séquences où la caméra s’efface pour nous livrer l’âme de la vie. Sur une histoire simple, une jeune fille qui sans son baccalauréat ne pourra pas quitter le pays pour continuer ses études, il construit une métaphore sur la Roumanie d’aujourd’hui. Rares sont les réalisateurs à saisir dans le quotidien plus qu’un simple morceau de leur patrie. Dans Au-delà des collines il interrogeait sur l’amour et la foi revenant après le communisme et sa négation de Dieu dans une Roumanie en quête d’elle-même. Il pousse plus loin la réflexion embrassant à travers la quête de ce père la société dans son ensemble, de la fin du communisme où les parents s’exilent à cause de leurs opinions au retour dans une nation que l’on croit libérée du pire. Il faut du temps pour que le changement impose sa marque dont les mauvaises habitudes et la justice marquent une nouvelle aube. Romeo, homme intègre à l’extérieur, ne l’est pas forcément dans son âme.

Il aime une jeune maitresse qu’il voit régulièrement. Tiraillé entre hier et l’avenir, comme le pays, il ne sait pas encore choisir où porter ses pas. Il possède sans doute des ennemis cachés qui le harcèlent dans l’ombre. Le film s’ouvre sur un caillou jeté dans une fenêtre, une mère alitée et une jeune fille qui se presse pour passer son bac. Tout est dit dans cette première séquence, le pays fracturé comme la famille. Il ramasse les débris comme si cela ne comptait pas et que seule l’urgence d’aller de l’avant comptait. Chaque personnage se trouve entre deux positions, un choix crucial qu’il devra assumer. Eliza, la fille, doit partir chercher un paradis meilleur ou rester et faire sa vie dans un pays devenu cimetière. La grand-mère, malade comme la Roumanie, est la seule à comprendre qu’ici ou ailleurs, c’est ce que nous faisons de nos vies qui bâtit le pays. Le sens des valeurs revient sans cesse, comme cet autre leitmotiv, il est trop tard. Romeo, désabusé, ne croit plus en cette révolution, ce changement flagrant qu’il espérait.

Il reporte ses espoirs sur la jeunesse qui désormais est responsable de demain. Il finit par lâcher prise et par amour, il va tout sacrifier au bonheur qu’il imagine pour sa fille. Il devra rentrer dans la valse de la corruption, mais jusqu’où est-il capable de ne pas trahir son âme ? L’échec du mariage avec Magda est peut-être dû à la condition sociopolitique du pays qui a brisé ce couple ainsi que tout espoir. Le métier de Romeo, chirurgien, sauver les vivants et celui de Magda, bibliothécaire, gardienne du savoir et de la mémoire d’un pays ne sont peut-être pas innocents. Qui est coupable quand la vie à deux déserte le foyer depuis longtemps, où l’on refuse de continuer à lutter pour changer le pays comme son foyer ? La forme des longs plans séquences permet de saisir au mieux l’intensité des personnages, leur fondement intérieur et les enjeux dramatiques et sociopolitiques. Dans leur fluidité et leur narration, le réalisateur touche à l’essentiel et efface la caméra comme si nous devenions les spectateurs de vie. La question principale est bien de savoir comment vivre dans un monde normal sans tricher. Je ne vous dévoilerai pas la réponse finale pour ne pas gâcher votre plaisir, mais elle représente l’aboutissement de tout le récit. Elle renvoie comme dans un miroir à ce que doit faire le pays pour s’en sortir. Cristian Mungiu cache la réponse dans tout le film, à chacun de mener son enquête pour la trouver.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 1.85, Format DVD-9,
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) France Dolby Digital 2.0, 5.1
Sous-titres : Français
Edition : Le Pacte vidéo

Bonus:

Entretien acec Cristian Mungiu et Michel Ciment (directeur de la revue Positif) (44')

  • Scènes coupées (8')

Titre français : Baccalauréat

    •       Réalisation : Cristian Mungiu

    •       Scénario : Cristian Mungiu

    •       Photographie : Tudor Vladimir Panduru

    •       Montage : Mircea Olteanu

    •       Pays d'origine : Roumanie

    •       Genre : drame

    •       Date de sortie : 19 mai 2016 (Festival de Cannes), 7 décembre   2016 (sortie nationale)

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Distribution

    •       Vlad Ivanov : Inspecteur

    •       Maria-Victoria Dragus : Eliza

    •       Ioachim Ciobanu : Suspect no 1

    •       Adrian Titieni : Romeo

    •       Valeriu Andriuta : Suspect no 4

    •       Gheorghe Ifrim : Agent Sandu

    •       Adrian Vancica : Gelu

Récompense

    •       Festival de Cannes 2016 : Prix de la mise en scène