Avant l'hiver met en scène la vie d'un couple de sexagénaires. Paul, (Daniel Auteuil) est un neurochirurgien réputé qui ne compte pas ses heures de travail. Sa femme Lucie, (Kristin Scott Thomas) ne travaille pas et passe ses journées à l'attendre dans leur grande propriété. Ils semblent heureux, du moins en apparence, jusqu'au jour où Paul commence à recevoir des bouquets de roses anonymes. Au même moment, Paul ne cesse de croiser le chemin de Lou (Leila Bekthi), une jeune femme mystérieuse. Son arrivée dans son quotidien perturbe Paul et remet en cause l'ordre bien établi de sa vie. Lucie commence à se poser des questions et les non-dits et secrets refont surface... La vie de Paul et Lucie est-elle celle dont ils avaient rêvé ?

Pour son quatrième long métrage, l'écrivain Philippe Claudel choisit un sujet fort et complexe. Cette période de la vie parsemée de questionnements et de doutes quant au choix qu'on a fait plus jeune. Cette envie souvent inavouée de tout remettre en question et de repartir à zéro, à l'automne de la vie est le cœur du film.

Pour porter cette histoire, Philippe Claudel s'entoure de comédiens confirmés. Daniel Auteuil, très juste dans l'émotion et le questionnement est également très crédible dans ses gestes de neurochirurgien. Le réalisateur retrouve la très charismatique Kristin Scott Thomas dans le rôle de Lucie, qu'il avait déjà fait tourner dans Il y a longtemps que je t'aime (2005).

Dans Avant l'hiver, elle campe une femme au foyer de plus en plus amère, coincée dans une routine peu stimulante, passant ses journées à s'ennuyer dans leur grande maison ressemblant plus à une prison de verre avec toutes ces baies vitrées qu'à un endroit accueillant et reposant. Lucie se sent coupable de n'avoir pas suivi ses rêves de jeunesse et d'être condamnée à l'attente. Mais, elle s'en veut surtout d'être encore à son âge tiraillée entre deux hommes. Son mari Paul et leur ami depuis trente ans, Gérard (interprété par Richard Berry) qui n'a cessé d'aimer Lucie mais qui n'a jamais pu l'avoir complètement. Paul et Gérard se livrent une bataille secrète pour gagner encore et toujours l'amour de cette femme et surtout pour qu'elle ne s'éloigne pas trop d'eux. Cette bataille est à l'image des matchs de tennis qu'ils jouent régulièrement, où Gérard finit toujours par se laisser dominer par Paul. Ce trio de personnages fonctionne plutôt bien et joue avec une sincérité qui autorise le spectateur à pénétrer dans leur monde, si éloigné puisse- t-il paraître.

Le film choisit pour arène un milieu bourgeois, froid et médical (comme le métier de Paul) renforcé par l'ambiance et les couleurs moroses de l'image, l'action du film se déroulant également à l'automne. Un choix délibéré de Philippe Claudel mais qui pourrait laisser certains spectateurs sur le carreau, ennuyés par cette grisaille et le tourment des personnages dans lequel baigne chaque scène. Car, il s'agit bien d'un drame psychologique qui prend son temps, tout est fait de non-dits et ce n'est pas l'arrivée de la belle Leila Bekthi, qui trouve enfin un rôle à la mesure de son talent, qui vient chambouler le rythme assez lent il faut le dire du film.

En effet, si le personnage qu'elle interprète apporte une part de mystère et d'inquiétude au récit, il ne permet pas à ce dernier de réellement décoller, les indices sur la révélation finale étant trop peu présents pour permettre au spectateur d'être réellement angoissé par cette situation. L'action reste bel et bien en suspension, comme le couple de Paul et Lucie qui, faute de se déchirer, prend uniquement de la distance, comme fatigué l'un et l'autre de la vie qu'ils ont construite et de leur train de vie peut être un peu trop confortable, sans danger. C'est d'ailleurs ce danger que Paul ira chercher auprès de Lou, s'aventurant dans des lieux bien éloignés de son quotidien de neurochirurgien.

Finalement, s'il n'apporte pas de grande surprise et compte un peu trop sur la présence et le jeu toujours juste de ce quatuor d'acteurs, Avant l'hiver reste un film touchant, notamment dans sa dernière partie qui apporte certaines clefs de compréhension sur l'ensemble des personnages et parce qu'il ouvre à la réflexion sur nos choix de vies, ces obligations de prendre certaines portes forçant d'autres à rester fermées, inconnues

Sarah Lehu