La ville murmure sa colère, elle enfle comme un torrent trop longtemps contenu et n’attend plus qu’un séisme pour déverser ses eaux bouillonnantes dans le fleuve du monde. Berlin-Est une liste d’agents de sa gracieuse Majesté se balade dans la nature et le MI6 aimerait bien mettre la main dessus pour éviter le carnage. Il dépêche l’un de leurs meilleurs agents, une blonde platine qui ne s’en laisse pas compter. Loin de la petite pépée au cerveau limité, elle réfléchit aussi vite qu’une bastos filant vers sa cible. Elle est capable de riposter à tous ses mâles en chaleur qui la prendraient pour une petite fleur. Elle se réserve plutôt le rôle du chasseur.
Lorraine Broughton a du répondant et ne compte pas jouer la proie docile. C’est une blonde au tempérament de feu prenant des bains glacés, au cœur de la guerre froide, aidée de son contact en plein cœur de Berlin Est, David Percival, un agent aux méthodes particulières, proche de celle des méchants garçons. C’est dans l’atmosphère d’un monde en mutation, d’une société vacillante que se joue son dernier coup d’archet. C’est un Berlin-Est proche de s’enflammer comme La Rome de Néron. Les Russes et tous les barbouzes de la planète se donnent rendez-vous pour une petite liste d’agents en sursis, les Russes sont les plus tenaces. Dans la play-liste du mensonge se trouve un agent double que Londres souhaite démasquer au passage. Il lui faudra jouer des poings, du flingue, de l’esprit malicieux de la joueuse d’échec pour abattre son dernier atout.
« C’est un double plaisir de tromper le trompeur » La Fontaine, Le coq et le renard.
Après John Wick, c’est un roman graphique qu’adapte David Leight avec succès, the Coldest City, écrit par Antony Johnston, illustré par Sam Hart. John Wick revisitait les classiques du cinéma néo-noir, les thèmes de la vengeance et de l’antihéros. Atomic blonde revisite les classiques du cinéma d’espionnage, l’agent double et la guerre froide, le mensonge et la vérité, la manipulation. Nous pensons à Bons baisers de Russie. Lorraine Broughton possède des faux airs de 007, les gadgets en moins ce qui n’est pas pour nous déplaire. Cette partie d’échec se joue à Berlin et peut-être même à l’échelle du monde. Elle devra user de ses charmes, de ses poings et de beaucoup de manigances comme Sean Connery dans le deuxième opus des aventures de James Bond. Atomic Blonde renoue avec le cinéma d’espionnage de l’âge d’or, dans l’esprit des romans de John le Carré, la Taupe, en particulier adapté lui aussi au cinéma sous le même titre.
Nous pourrions citer: Un traitre idéal, La maison Russie avec Sean Connery, Casablanca, Salonique nid d’espion, OSS 117, et certains films d’Hitchcock et de nombreux autre films des années cinquante et soixante. L’espionnage connaît alors son apogée au cinéma et en littérature. C’est avec plaisir que l’on découvre une intrigue avec ses nombreux rebondissements jusqu’à la fin, et ses bastons proches de la réalité. C’est d’abord tout un jeu de dentelle où la vérité et le mensonge, propre au genre, deviennent une partie d’échec subtil. Le dosage est malin, entre réflexion et action, chaque pièce du puzzle cache une vérité qui peut quelques instants plus tard se retourner contre vous. Les scènes de bastons sont réalistes, secouant les nerfs du spectateur dans un ballet où la blonde ne ressemble pas à une super nana vitaminée. Elle souffle, transpire, malgré sa capacité à encaisser et à rendre coup pour coup. Comme pour John Wick, David Leitch garde le sens du cinéma populaire de qualité, avec des plans recherchés et son dosage de séquences incontournables - course poursuite en voiture, les rues d’un Berlin Est en ébullition, le mur, et l’incontournable romance.
Il n’en fait pas trop, juste ce qu’il faut pour maintenir le rythme et imposer une narration qui ne retombe jamais. Il ne renouvelle pas le genre, mais le dépoussière pour lui redonner un petit coup de jeune. Il garde l’essentiel du cinéma d’espionnage classique avec ses inéluctables rebondissements pour démasquer le traître, l’agent double, déjouer un complot. Il s’en amuse en créant des fausses pistes et chemins de traverse où le spécialiste pense avoir démêlé le pot aux roses. Il n’oublie pas de lier son récit à la grande histoire de façon subtile et bien dosée. On remarquera un clin d’œil au film Stalker d’Andreï Tarkovski. Comme à son habitude Charlize Theron crée un personnage différent que l’on aimerait retrouver dans une suite du même niveau.
Patrick Van Langhenhoven
bonus:
Scènes coupées et versions longues
Bienvenue à Berlin
Les blondes ont plus de cran
Le maître de l’espionnage
Anatomie d’une scène de combat
Histoire en mouvement : l’agent Broughton
Histoire en mouvement : la poursuite
Titre original et français : Atomic Blonde
Réalisation : David Leitch
Scénario : Kurt Johnstad, d'après le roman The Coldest City d'Antony Johnston (en) et Sam Hart
Décors : David Scheunemann
Costumes : Cindy Evans
Photographie : Jonathan Sela
Montage : Elísabet Ronaldsdóttir
Musique : Tyler Bates
Producteurs: A.J. Dix, Eric Gitter, Beth Kono, Kelly McCormick, Peter Schwerin et Charlize Theron
Coproducteurs : Ildiko Kemeny et David Minkowski
Producteurs délégués : David Guillod, Kurt Johnstad, Nick Meyer, Joe Nozemack, Steven V. Scavelli, Marc Schaberg, Ethan Smith, Fredrik Zander
Sociétés de production : 87Eleven, Closed on Mondays Entertainment, Denver and Delilah Productions, Focus Features, Sierra / Affinity
Distribution : Focus Features (États-Unis), Universal Pictures International France (France)
Pays d'origine : Drapeau des États-Unis États-Unis
Budget : 30 millions de dollars
Durée : 115 minutes
Genre : thriller, espionnage, action
Dates de sortie : 16 août 2017
Distribution
Charlize Theron (VF : Sophie Broustal ; VQ : Camille Cyr-Desmarais) : Lorraine Broughton
James McAvoy (VF : Alexis Victor ; VQ : Nicolas Charbonneaux-Collombet) : David Percival
John Goodman (VF : Jacques Frantz ; VQ : Yves Corbeil) : Emmet Kurzfeld
Til Schweiger : l'horloger
Eddie Marsan (VF: Jérôme Keen): Spyglass
Sofia Boutella (VF : Noémie Orphelin) : Delphine Lasalle
Toby Jones (VF: Loïc Houdré; VQ: François Sasseville): Eric Gray
Bill Skarsgård : Merkel
Sam Hargrave (VF: Sébastien Ossard): Gascoine
James Faulkner : C
Roland Møller: Beckmentov
Daniel Bernhardt : un soldat